Письмо Полине Виардо - Письма (1831-1849) - Мемуары и переписка- Тургенев Иван Сергеевич

Около (после)] 3 (15) мая 1848. Париж

Relation exacte de ce que j'ai vu dans la journee de lundi 15 mai [1848]1.

Je sortis de chez moi a midi.-- La physionomie des boulevards ne presentait rien d'extraordinaire; cependant, sur la place de la Madeleine se trouvaient deja 2 a 3 cents ouvriers avec des bannieres. La chaleur etait etouffante. On parlait avec animation dans les groupes. Bientot, je vis un vieillard d'une soixantaine d'annees grimper sur une chaise, dans l'angle gauche de la place, et prononcer un discours en faveur de la Pologne. Je m'approchai; ce qu'il disait etait fort violent et fort plat; cependant, on l'applaudit beaucoup. J'entendis dire pres de moi que c'etait l'abbe Chatel. Quelques instants plus tard, je vis arriver de la place de la Concorde le general Courtais, monte sur son cheval blanc (a la La Fayette2); il s'avanca dans la direction des boulevards on saluant la foule et se prit tout a coup a parler avec vehemence et force gestes; je ne pus entendre ce qu'il dit. Il retourna ensuite par ou il etait venu. Bientot parut la procession; elle marchait sur seize hommes de front, drapeaux en tete; une trentaine d'officiers de la garde nationale de tous grades escortaient la petition: un homme a longue barbe (que je sus plus tard etre Huber) s'avancait en cabriolet. Je vis la procession se derouler lentement devant moi (je m'etais place sur les marches de la Madeleine) et se diriger vers l'Assemblee nationale... Je ne cessai de la suivre du regard. La tete de la colonne s'arreta un instant devant le pont do la Concorde, puis arriva jusqu'a la grille. De temps a autre, un grand cri s'elevait: "Vive la Pologne!" cri bien plus lugubre a entendre que celui de: "Vive la Republique!" l'o remplacant l'i3. Bientot on put voir dos gens en blouse monter precipitamment les marches du palais de l'Assemblee; on dit autour de moi que c'etaient les delegues qu'on faisait introduire. Cependant, je me rappelai que, peu do jours auparavant, l'Assembee avait decrete ne pas recevoir les petitionnaires a la barre, comme le faisait la Convention; et quoique parfaitement edifie sur la faiblesse et l'irresolution de nos nouveaux legislateurs, je trouvai cela un peu extraordinaire. Je descendis de mon perchoir et marchai le long de la procession, qui s'etait arretee jusqu'a la grille de la Chambre. Toute la place de la Concorde etait encombree de monde. J'entendais dire autour de moi que l'Assemblee recevait dans ce moment les delegues, et que toute la procession allait defiler devant elle. Sur les marches du peristyle se tenait une centaine de gardes mobiles4, sans baionnettes au bout des fusils. Ecrase par la chaleur, j'entrai un moment aux Champs-Elysees; puis je revins a la maison, avec l'intention de prendre Herwegh. Ne l'ayant pas trouve, je retournai sur la place de la Concorde; il pouvait etre trois heures. Il y avait toujours un monde fou sur la place; mais la procession avait disparu; on en voyait seulement la queue et les dernieres bannieres de l'autre cote du pont. J'avais a peine depasse l'obelisque que je vis venir en courant un homme sans chapeau, en habit noir, l'angoisse sur la figure, qui criait aux personnes qu'il rencontrait: "Mes amis, mes amis, l'Assemblee est envahie, venez a notre secours; je suis un representant du peuple!" Je m'avancais aussi vite que je pus jusqu'au pont, que je trouvai barre par un detachement de gardes mobiles. Une confusion incroyable se repandit tout a coup dans la foule. Beaucoup s'en allaient; les uns affirmaient que l'Assemblee etait dissoute, d'autres le niaient; enfin, un brouhaha inimaginable. Et cependant les dehors de l'Assemblee ne presentaient rien d'extraordinaire; les gardes la gardaient, comme si rien ne s'etait passe. Un instant, nous entendimes battre le rappel, puis tout se tut. (Nous sumes plus tard que c'etait le president lui-meme qui avait ordonne de cesser de battre le rappel, par prudence, ou par lachete.) Deux grandes heures se passerent ainsi! Personne ne savait rien de positif, mais l'insurrection paraissait avoir reussi.

Je parvins a fa,ire une trouee dans la haie des gardes du pont et je me placai sur le parapet. Je vis une masse de monde, mais sans bannieres, courir le long du quai, de l'autre cote de la Seine... "Ils vont a l'Hotel do Ville! s'ecria quelqu'un pres de moi; c'est encore comme au 24 fevrier". Je redescendis avec l'intention d'aller a l'Hotel de Ville... Mais dans ce moment nous entendimes tout a coup un roulement prolonge de tambour, et un bataillon de la garde mobile apparut du cote de la Madeleine et vint fondre au pas de charge sur nous. Mais comme, a l'exception d'une poignee d'hommes dont l'un etait arme d'un pistolet, personne ne leur fit resistance, ils s'arreterent devant le pont, я pres avoir conduit les emeutiers au poste. Cependant, meme alors, rien ne paraissait decide; je dirai plus: la contenance de ces gardes mobiles etait passablement indecise. Pendant une heure au moins avant leur arrivee et un quart d'heure apres, tout le monde croyait au triomphe de l'insurrection; on n'entendait que les mots: "C'est fini!" prononces d'une facon joyeuse ou triste, suivant la facon de penser de ceux qui les prononcaient. Le commandant du bataillon, homme d'une figure eminemment francaise, joviale et resolue, fit a ses soldats un petit descours termine par ces mots: "Les Francais seront toujours Francais. Vive la Republique!" Cela ne le compromettait pas. J'ai oublie de vous dire que, pendant ces deux heures d'angoisse et d'attente dont je vous ai parle, nous avions vu une legion de gardes nationaux s'enfoncer lentement dans l'avenue des Champs-Flysees et traverser la Seine sur le pont qui se trouve vis-a-vis des Invalides. Ce fut cette legion qui prit les emeutiers par derriere et les delogea de l'Assemblee. Cependant le bataillon de gardes mobiles, venu de la Madeleine, avait ete recu par les bourgeois avec des transports de joie... Les cris de: "Vive l'Assemblee nationale!" recommencerent avec une nouvelle force. Tout a coup, le bruit se repandit que les representants etaient rentres dans la salle. Ce fut comme un changement a vue. Le rappel eclata de toutes parts; les gardes mobiles (mobiles en effet!) mirent leurs bonnets sur les pointes de leurs baionnettes (ce qui, par parenthese, produit un effet prodigieux) et crierent: "Vive l'Assemblee nationale!" Un lieutenant-colonel de la garde nationale accourut haletant, rassembla une centaine de personnes autour de lui et nous raconta ce qui s'etait passe: "L'Assemblee est plus forte que jamais! s'ecria-t-il. Nous avons ecrase les miserables... Oh! messieurs, j'ai vu des horreurs... des deputes insultes, battus!.." Dix minutes plus tard, tous les abords de l'Assemblee furent encombres de troupes; des canons arrivaient lourdement au grand trot des chevaux; des troupes de ligne, des lanciers... L'ordre, le bourgeois, avait Iriomphe, avec raison, cette fois. Je restai encore sur la place jusqu'a six heures... Je venais d'apprendre qu'a l'Hotel de Ville aussi le gouvernement avait remporte la victoire... Je ne dinai ce jour-la qu'a sept heures. De toute la foule de choses qui me frapperent, je n'en citerai que trois: ce fut en premier lieu l'ordre exterieur qui ne cessa de regner autour de la Chambre; ces joujoux de carton, appeles soldats, garderent l'insurrection aussi scrupuleusement que possible; apres l'avoir laisse passer, ils se refermerent sur elle. Il est vrai de dire que l'Assemblee, de son cote, se montra au-dessous de tout ce qu'on pouvait en attendre; elle ecouta Blanqui perorer pendant une demi-heure sans protester! Le president ne se couvrit pas 6! Pendant deux heures, les representants ne quitterent pas leurs sieges, et ce ne fut que quand on les en chassa qu'ils partirent. Si cette immobilite avait ete celle des senateurs romains devant les Gaulois, ca aurait ete superbe 6; mais non, leur silence etait le silence de la peur; ils siegeaient, le president presidait... Personne, un M. d'Adelsward excepte, ne protestait... et Clement Thomas lui-meme n'interrompit Blanqui que pour demander gravement la parole! Ce qui me frappa aussi, ce fut de voir la maniere dont les marchands de coco et de cigares circulaient dans les rangs de la foule; avides, contents et indifferents, ils avaient l'air de pecheurs amenant un filet bien charge. Troisiemement, ce qui m'etonna beaucoup moi-meme, ce fut l'impossibilite dans laquelle je me trouvai de me rendre compte des sentiments du peuple dans un pareil moment; ma parole d'honneur, je ne pouvais deviner ce qu'ils desiraient, ce qu'ils redoutaient, s'ils etaient revolutionnaires ou reactionnaires, ou simplement amis de l'ordre. Us avaient l'air d'attendre la fin de l'orage.-- Et cependant je m'adressai souvent a des ouvriers en blouse... Ils attendaient... ils attendaient!.. Qu'est-ce que c'est donc que l'histoire?.. Providence, hasard, ironie ou fatalite?..

Полине Виардо С французского:

Точный отчет о том, что я видел в понедельник 15 мая (1S48) 1.

Я вышел из дома в полдень. Вид бульваров не представлял ничего необычайного; однако на площади Мадлен уже находилось от двухсот до трехсот рабочих со знаменами. Стояла удушливая жара. В каждой из групп оживленно разговаривали. Вскоре я увидел, как в левом углу площади какой-то старик лет шестидесяти взобрался на стул и стал произносить речь в защиту Польши. Я приблизился; то, что он говорил, было очень резко и очень плоско; тем не менее ему много рукоплескали. Я услыхал, как возле меня говорили, что ото аббат Шатель. Несколько мгновений спустя я увидел, как со стороны площади Согласия приближался генерал Курте - верхом на белом коне (наподобие Лафайета2); он направлялся к бульварам, приветствуя толпу, и вдруг начал говорить с горячностью и усиленно жестикулируя; я но мог слышать того, что он говорил. Затем он удалился тою же дорогой, какой приехал. Вскоре показалось шествие; оно двигалось по шестнадцати человек в ряд, со знаменами впереди; человек тридцать офицеров национальной гвардии всяких чинов сопровождали петицию: человек с длинной бородой (это, как я потом узнал, был Юбер) ехал в кабриолете. Я видел, как процессия медленно развертывалась предо мной (я поместился на ступенях церкви Мадлен) и затем направилась к зданию Национального собрания... Я не переставал следить за нею глазами; Голова колонны на мгновение остановилась у моста Согласия, затем проследовала да решетки. Время от времени раздавался громкий возглас: "Да здравствует Польша!" - возглас, для слуха несравненно более мрачный, чем: "Да здравствует Республика!", потому что звук о заменяет звук и3. Вскоре можно было видеть, как люди в блузах поспешно поднялись по ступеням дворца Собрания; вокруг меня говорили, что это делегаты, которых пришлось впустить. Между тем мне вспомнилось, что несколько дней тому назад Собрание вынесло постановление не пригашать подателей петиций в зале заседаний, как это делалось в Конвенте; и хотя я был совершенно осведомлен о слабости и нерешительности наших новых законодателей, я нашел это несколько странным. Я спустился со своего насеста и пошел вдоль процессии, которая остановилась у самой решетки здания Палаты. Вся площадь Согласия была запружена народом. Я слышал, как вокруг меня говорили, что Собрание в эту минуту принимает делегатов и что перед ним пройдет вся процессия. На ступенях перистиля стояло человек сто мобильной гвардии4 с ружьями без штыков.

Изнывая от жары, я зашел на минутку в Елисейские поля, затем вернулся домой с намерением захватить с собою Гервега. Не застав его, я возвратился на площадь Согласия; могло быть около трех часов. На площади все еще была масса парода; но процессия уже исчезла; по ту сторону моста виднелся только ее хвост и последние знамена. Едва успел я миновать обелиск, как увидел человека без шляпы, в черном фраке, который бежал с выражением отчаяния на лицо и кричал встречным: "Друзья мои, друзья мои, Собрание захвачено, идите к нам на помощь; я - представитель народа!" Я направился как только мог скорее к мосту, но увидел, что он загражден отрядом мобильной гвардии. В толпе внезапно распространилось невероятное смятение. Многие уходили; одни утверждали, что Собрание распущено, другие это отрицали; в общем - невообразимая суматоха. А между тем Собрание снаружи не представляло! ничего необычайного; стража его сторожила, как будто ничего не произошло. Одно мгновение мы услыхали, как барабаны забили сбор, затем все смолкло. (Впоследствии мы узнали, что председатель сам приказал прекратить бить сбор, ил осторожности или же из трусости.) Так прошло долгих два часа! Никто не знал ничего определенного, но можно было предположить, что восстание окончилось успешно.

Мне удалось пробиться сквозь строй гвардейцев у моста, и я взобрался на парапет. Я увидел массу народа, но без знамен, которая бежала вдоль набережной по ту сторону Сены... "Они направляются в Ратушу!-- воскликнул кто-то возле меня,-- это опять так же, как было 24 февраля". Я спустился с намерением идти к Ратуше... Но в это мгновение мы вдруг услыхали продолжительную барабанную дробь, со стороны Мадлен появился батальон мобильной гвардии и двинулся в атаку на нас. Но так как за исключением какой-нибудь горсти людей, из которых лишь один был вооружен пистолетом, никто но оказал им сопротивления, они остановились перед мостом, а мятежников отвели в полицию. Тем не менее даже и тогда, казалось, ничего не было решено; скажу больше: поведение мобильной гвардии было довольно нерешительно. В течение по крайней мере часа до ее появления и четверти часа по ее прибытии все верили в успех восстания, только и слышались слова: "Дело копчено!", произносимые то радостно, то печально, соответственно образу мыслей говорившего. Командир батальона, человек с истинно французским лицом, веселым и решительным, обратился к своим солдатам с краткою речью, кончавшейся словами: "Французы всегда будут французами. Да здравствует Республика!" Это его ни к чему не обязывало. Я забыл вам сказать, что во время тех двух часов тревоги и ожидания, о которых я вам говорил, мы видели, как легион национальной гвардии медленно углубился в авеню Елисейских полей и перешел Сену по мосту, находящемуся против Дома Инвалидов. Вот этот-то легион и напал на мятежников с тыла и вытеснил их из Собрания. Между тем батальон мобильной гвардии, подошедший от Мадлен, был встречен взрывами восторга буржуа... Возгласы "Да здравствует Национальное собрание!" начались с новою силой. Вдруг распространился слух, что представители снова вернулись в зал заседаний. Всё на глазах переменилось. Со всех сторон зазвучал сбор; солдаты мобильной гвардии (уж действительно мобильной!) надели свои шапки на штыки, (что, говоря в скобках, произвело чрезвычайный эффект) и закричали: "Да здравствует Национальное собрание!" Какой-то подполковник национальной гвардии прибежал запыхавшись, собрал вокруг себя с сотню людей и рассказал нам, что произошло: "Собрание сильнее, чем когда-либо!-- воскликнул он.-- Мы раздавили негодяев... О господа! я видел ужасы... видел, как депутатов оскорбляли, били!.." Десять минут спустя все подступы к Собранию были запружены войсками; лошади крупной рысью с грохотом подвозили пушки, линейные войска, уланы... Буржуазный порядок восторжествовал, по справедливости на сей раз. Я оставался еще на площади до шести часов... Я только что узнал, что и в Ратуше победа осталась за правительством... В этот день я пообедал только в семь часов. Из множества поразивших меня вещей я упомяну только о трех: прежде всего это - внешний порядок, который не переставал царить вокруг Палаты; эти картонные игрушки, именуемые солдатами, охраняли восстание так тщательно, как только это было возможно: дав ему пройти, они сомкнулись за ним. Справедливо будет сказать, что Собрание, со своей стороны, показало себя ниже всего, чего можно было от него ожидать; оно, не протестуя, слушало в течение получаса разглагольствования Бланки. Председатель не надел шляпы5! В продолжение двух часов представители не покидали своих скамей и ушли лишь тогда, когда их прогнали. Если б это была неподвижность римских сенаторов перед галлами, это было бы великолепно6; но нет, их безмолвие было безмолвием страха; они заседали, председатель председательствовал... Никто, за исключением некоего г-на Адельсвара, не протестовал... и даже сам Клеман Тома прервал Бланки лишь для того, чтобы с важностью попросить слова! Поразило меня также, с каким видом разносчики лимонада и сигар расхаживали в толпе: алчные, довольные и равнодушные, они имели вид рыболовов, которые тащат хорошо наполненный невод! В-третьих, что очень удивило меня самого, это било сознание невозможности дать себе отчет в чувствах народа в подобную минуту; честное слово, я был не в состоянии угадать, чего они хотели, чего боялись, были ли они революционерами, или реакционерами, или же просто друзьями порядка. Они как будто ожидали окончания бури. А между тем я часто обращался к рабочим в блузах... Они-то ожидали... они-то ожидали!.. Что же такое история?.. Провидение, случай, ирония или рок?..

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