Полине Виардо - Письма (1850-1854) - Мемуары и переписка- Тургенев Иван Сергеевич

25 февраля (9 марта) 1854. Петербург

St. Petersbourg,

ce 25 fevrier/8 mars {*}

{* Так в подлиннике.} Votre lettre du 21 fevrier1 ne m'est parvenue qu'hier, chere et bonne Madame Viardot - et apres y avoir murement reflechi - voici ma reponse.-- Je vous prie de replacer Pauline chez Mlle Renard.-- Je sais tres bien tous les inconvenients, qui peuvent en ressortir - mais je sais aussi qu'en agissant autrement - tout ce qui a ete fait jusqu'a present serait detruit sans aucune compensation. - Elle echangerait une position peu enviable, il est vrai, mais pourtant naturelle contre une position fausse et, je dirais, presque impossible. A quoi bon rattacher un lien qui est et doit rester - rompu? Je concois parfaitement qu'il vous serait impossible de surveiller son education avec toutes les fatigues et les travaux que je prevois pour vous - avec toute l'incertitude des temps qui s'ouvrent devant vous - mais je sais que, confiee uniquement a Mlle Renard Pauline peut encore devenir ce que le ciel veut qu'elle devienne - tandis qu'ici sa position serait des plus penibles.-- En un mot, voici ma decision - il faut la replacer chez Mlle Renard,-- Avant quinze jours vous recevrez les 1200 francs de pension - je vous enverrai en meme temps une lettre pour Mlle Renard.

Vous ne me dites rien de vous-meme - il y a deja longtemps que j'ignore a peu pres ce que vous faites.-- Je crains fort que nous ne tenions plus que par le bout des doigts - et il me semble que je les sens m'echapper tout a fait... Du reste, il est difficile de conserver le courage et la tenacite de l'affection devant un avenir aussi sombre, aussi incertain - devant l'impossibilite presque complete de se revoir avant que le dernier rayon de la jeunesse ait disparu. - Cependant, il faudrait pouvoir le faire! - Ce n'est pas moi dans tout les cas qui lacherai votre main - cette main qui m'a ete si douce et si bienfaisante - ne m'oubliez pas, je vous prie, et prouvez-le moi, ne fut-ce que rarement.

Que vous dirai-je de moi-meme? - Les interets particuliers disparaissent dans les grandes crises historiques.-- Notre pays se prepare avec resolution et vigueur a la lutte qui va eclater; tout le peuple, a partir des classes les plus elevees jusqu'au plus humble paysan, est avec le gouvernement - nos 65 millions d'hommes ne font qu'un dans ce moment - soyez-en bien sure - et c'est ce que l'Europe ignore. Cette unite d'action, de sentiment, de volonte est quelque chose d'imposant et de bien fort - elle nous ferait braver le monde entier - et je le dis avec conviction - quoi qu'il advienne - nous ne reculerons pas de l'epaisseur d'un cheveu - vous verrez.-- On ne connait pas notre force - et nous ne la connaissons nous-memes que quand on nous provoque.-- La Russie se leve en ce moment comme en 18122.

Je compte rester ici jusqu'au commencement d'avril (vieux style) - c'est-a-dire encore cinq semaines.-- D'ici j'irai directement a Spasskoie, je ne m'arreterai que peu de temps a Moscou. Il faut que je sois a Spasskoie le jour de Paques - (qui aura lieu le 11/23 avril)3. Vous m'ecrivez par l'entremise de la p-sse M<estcherskaia>.-- N'auriez-vous pas recu mes 2 lettres ou je vous donne mon adresse - Grande rue des Ecuries, maison Weber, logement n®25? - Ecrivez-moi, des que vous aurez recu cette lettre.-- Ma sante va assez bien - mes affaires idem. Du reste, rien de nouveau.-- Mille amities a V<iardot> et a tous les bons amis. J'embrasse vos cheres mains - et vous souhaite tout le bonheur imaginable.-- Je le repete, avant quinze jours vous aurez l'argent et la lettre pour Mlle Renard, Adieu, theuerste Freundinn.

Votre

J. Tonrgneneff.

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