Полине Виардо - Письма (1850-1854) - Мемуары и переписка- Тургенев Иван Сергеевич

17, 18, 19, 22 января (29, 30, 31 января, 3 февраля) 1861. Москва

Moscou.

Mercredi, 17/29 janvier 1851.

Je releve de maladie, comme Jodelet dans "Les precieuses ridicules"1, chere et bonne amie; j'ai eu une fievre catarrhal assez forte, qui m'a mis sur le flanc pendant 4 jours.--Ce qui m'est surtout desagreable - c'est le retard que cette maladie a apporte a mon voyage - et ce qu'il y a surtout de desagreable dans ce retard - c'est qu'il me prive de vos lettres qui m'attendent a Petersbourg - {Далее зачеркнуто: lettres} et que j'ai eu la betise de ne pas faire venir ici - j'esperais toujours pouvoir partir. Il est tres probable que je resterai ici une semaine encore - vous ne sauriez croire quel vide me fait l'absence de vos lettres - il y a si longtemps que je ne recois pas de vos nouvelles - j'en suis tout desoriente! - J 'espere que vous vous portez bien et qua vous pensez quelquefois a l'homme qui vous cherit de toutes les forces de son ame. Vous savez qui cela est - n'est-ce pas? - On donne demain une comedie que j'ai composee pour les acteurs de Petersbourg - mais que Stchepkine m'a demandee pour son benefice2.-- Je n'ai rien a refuser a ce brave et digne homme.-- Si je ne me sens pas trop mal, j'irai a la premiere representation.-- Jusqu'a present, je ne ressens pas la moindre agitation.-- Nous verrons demain.-- Il parait que la jeune premiere est detestable.-- Enfin - nous verrons. Adieu jusqu'a domain, chere et bonne amie. Je vous invoque et me mets sous votre protection, chere patronne.

Jeudi, 1 h. du matin.

C'est donc pour ce soir. Cela commence a me faire un peu d'effet.-- Malheureusement je me sens {Далее зачеркнуто: mal} plus mal qu' hier - et le docteur vient de me conseiller de ne pas sortir ce soir.-- Ce serait cependant desagreable. Mon frere y va avec sa femme.-- C'est une petite comedie en un acte qui a pour titre: "Une provinciale". La donnee en est assez simple - tout depend du jeu des deux acteurs principaux; l'un est bon, a ce que l'on dit - l'autre (ou plutot l'actrice) est tres mauvais3,-- La salle sera pleine.-- Stchepkine vient de m'envoyer un billet pour une loge d'en haut,-- Je crois que j'irai, quoique je me sente mal - j'ai une chaleur de tous les diables,-- 7 heures du soir.-- J'ai 80 pulsations par minute - et je vais au theatre.-- Je ne puis pas rester a la maison.-- Je vous serre les deux mains bien fort - et je pars.-- Que vous ecrirai-je en rentrant?

11 heures.

Par exemple, je m'attendais a tout, hormis a un toi succes! - Imaginez-vous qu'on m'a rappele avec des vociferations telles, que je me suis enfui tout eperdu, comme si j'avais mille diables a mes trousses - et mon frero vient de m'apprendre que le vacarme a dure un grand quard d'heure - et n'a cesse que quand Stchepkine est venu annoncer que je n'etais pas au theatre.-- Je regrette beaucoup de m'etre enfui - car on a pu croire que je faisais la petite bouche. - -- Ma piece a ete assez bien jouee par tout le monde, la jeune premiere exceptee qui a ete detestable - mais en revanche - l'acteur charge du role principal - a ete charmant - c'est un jeune acteur qui se nomme Choumski - il a fait un grand pas dans l'opinion du public - je suis enchante de lui en avoir fourni l'occasion.-- Au moment ou la toile s'est levee, j'ai prononce tout bas votre nom - il m'a porte bonheur - mais il faut que je me couche - car j'ai une fievre de cheval.

Vendredi, 2 h.

L'excursion d'hier ne m'a pas fait beaucoup de mal - j'ai passe une mauvaise nuit - il est vrai - mais aujourd'hui je me sens assez bien.-- J'ai vu aujourd'hui plusieurs de mes amis qui sont venus me feliciter - il parait que mon succes a ete en effet tres grand - la salle etait comble - et on a vu de mes ennemis (litteraires) applaudir a tout rompre. Tant mieux - tant mieux.-- Le bon Stchepkine est venu m'embrasser et me gronder sur ma fugue.-- J'ai l'intention d'envoyer un petit cadeau a Choumski - cela lui fera plaisir.-- On donne demain la meme piece a Petersbourg4. C'est cependant agreable d'avoir un succes.-- Allons - il faut que cela me serve d'eperon.-- Imaginez-vous que je viens d'apprendre par un monsieur qui arrive de Petersbourg que le comptoir Iazykoff a plusieurs lettres a mon nom - qu'on n'envoie pas a Moscou, parce qu'on s'attend d'heure en heure a mon arrivee... Cela me cause un depit dont je ne saurais vous donner une idee... Dieu, Dieu, Dieu que je suis betef - Permettez-moi de vous remercier pour mon succes d'hier; je m'imagine que si je n'avais pas prononcevotre nom, la chose aurait pris une toute autre tournure.-- Je suis si heureux de rattacher toute ma vie a votre cher et bon souvenir - a votre influence. Je vous embrasse les mains avec reconnaissance et tendresse.-- Que le Ciel veille sur vous! A demain.

Lundi.

Je ne vous ai pas ecrit ni samedi, ni dimanche; j'etais languissant, pour ne pas dire bete.-- On repete ma piece ce soir - on ne joue ici la comedie que trois fois par semaine.-- Je compte sortir aujourd'hui en voiture - il fait un temps superbe.-- Les yeux des petits de Diane se sont enfin ouverts a la lumiere: ils sont tres droles, tres gentils et tres bien portants.-- Ce serait bien le diable si je devais rester ici plus d'une semaine! - J'ai recu une foule de visites etc., etc.-- Ce sont des compliments a perte de vue etc.-- Je vous le dis parce que je sais que cela vous fera plaisir.-- Je suis sur que vous me parlez dans vos lettres de "Sapho"5, des repetitions commencees - (car j'espere bien qu'elles le sont) - et dire que je n'en sais rien par ma faute! - Mais je les aurai ces lettres dans 4 jours.-- Je vous ecrirai alors un volume - et pour Gounod - je vous repete, je ne quitterai pas Moscou sans lui avoir ecrit une grande lettre.-- Que fait la petite Pauline? - Est-elle sage? Apprend-elle le francais et le piano? - Adieu; je vous embrasse tous, tous avec une tendresse indicible; je commence par vous; puis - Viardot; puis Gounod; puis Mme Garcia; puis Mme Gounod; puis Mlle Berthe; puis el Marinero Espanol y su mujer6; puis Manuel; puis Louise; puis tout le monde - tous les amis et je finis par vous.-- Mes chers amis, mon coeur est avec vous.-- Adieu - portez-vous bien; soyez heureux et contents et n'oubliez pas votre fidele ami J. Toyrgueneff.

Tiens - je viens de m'apercevoir que dans ma nomenclature j'ai oublie la petite Pauline - dites-lui que je l'embrasse deux fois.-- No. Je vous enverrai les 1200 fr. des mon arrivee a Petersbourg7.

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