Полине Виардо - Письма (1850-1854) - Мемуары и переписка- Тургенев Иван Сергеевич

26, 30 ноября, 4 декабря (8, 12, 16 декабря) 1851. Петербург

St. Petersbourg,

26 novembre/8 decembre 1851. Lundi.

Bonjour, chere et bonne Madame Viardot.

Je commence par vous dire que je suis dans une tres grande inquietude - on a recu ici hier la nouvelle telegraphique du coup d'Etat a Paris1, et comme je ne puis m'imaginer qu'une pareille chose se passe sans effusion de sang et sans desordre - je crains beaucoup pour vous et pour la petite - d'autant plus que les deux maisons que vous habitez, la votre et sa pension se trouvent dans la proximite des faubourgs les plus turbulents de Paris2.-- Que Dieu vous garde et veille sur vous! - Tenez-vous chez vous et ne vous approchez pas des fenetres! - Je suis ridicule de vous donner ce conseil, car quand vous recevrez ma lettre, il est probable que tout sera rentre dans l'ordre d'une maniere ou d'une autre.-- Que ce conseil vous prouve au moins mon anxiete! - Elle est grande, je l'avoue - je me sens tout bouleverse... A bientot, chere et bonne amie - je fais mille voeux pour vous et les votres.-- Je vous ecrirai demain et vous enverrai ma lettre {Далее зачеркнуто, d'ici la. } samedi. Qu'apprendrons-nous d'ici la!

Vendredi, 30 novembre/11 {Так в подлиннике.} decembre Bonjour, chere amie.-- Pendant trois jours les nouvelles de Paris, quoique bien surprenantes, etaient a la paix - mais depuis hier soir, on sait qu'une emeute terrible a eclate - Dieu sait toutes les transes que j'eprouve! - On parle d'un combat a la barriere Rochechouart - c'est a deux pas de chez vous - et votre maison qui fait le coin - il ne faut pas que j'y pense trop - cela me donne des angoisses inexprimables! - Chere amie, que le Ciel veille sur vous!

Mardi, 4/16 decembre.

Je comprends et je partage vos preoccupations, chere et bonne Madame Viardot - cependant, je ne puis m'empo-cher de vous avouer que je trouve bien mal a vous de ne pas songer a me tranquilliser par un mot, un seul mot! - Un de mes amis a recu hier une lettre de Paris du 7 - il parait que les decharges ont tue beaucoup de curieux sur les boulevards - et puis cette fois, ce n'est pas au faubourg St. Antoinet c'est au centre de la ville qu'on s'est battu3. Un mot de vous m'aurait bien tranquillise.-- J'espere que je recevrai bientot ce mot si attendu!

Je n'ai ni le courage ni le coeur de vous parler d'autre chose aujourd'hui.-- Musique, theatre,) etc.-- cela peut-il vous interesser - et moi-meme, puis-je en parler maintenant? Je ne vous ecrirai comme par le passe que quand j'aurai recu une lettre de vous. Depuis que je suis ici, je vous ai ecrit trois lois - mardi 20 novembre/2 decembre, samedi 24 novembre/6 decembre aujourd'hui. Je vous ai envoye mon adresse - mais comme il est possible que ma lettre ne vous soit pas parvenue - voici ou je demeure:

"Au coin de la petite Morskaia et, de la Gorokhovaia, maison Guillemet, appartement n®9".

Adieu - il y aura demain juste une annee et demie que je vous ai vue pour la derniere fois.-- Quand nous rever-rons-nous? - Adieu - que le Ciel veille sur vous et tous ceux qui vous sont chers! - Je vous serre les mains avec tendresse et anxiete.

Votre

J. Tourgueneff.

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