Полине Виардо - Письма (1850-1854) - Мемуары и переписка- Тургенев Иван Сергеевич

10 (22) августа 1852. Спасское No 4

Spasskoie.

Dimanche, 10/22 aout 52.

Chere et bonne Madame Viardot, je ne suis pas encore parti pour cette petite ville d'iepifagne, dont je parle dans ma lettre a votre mari1. Certaines affaires me retiennent ici et me retiendront jusqu'a mercredi - j'en profite pour vous ecrire. Je commence par vous remercier pour votre lettre n®2 de Courtavenel, il y a longtemps que je n'en ai recu une aussi bonne2. Elle respire une serenite, un contentement tranquille, dont je sais bien gre a la chere petite Claudie - les lignes se resserrent vers la fin des pages et il y a cinq pages! En un mot, cette lettre m'a rendu heureux. D'autant plus que quoique vous n'y parliez pas de votre sante, je la sentais en bon etat, et vigoureuse et florissante au bon air de la campagne. Dieu veuille que je ne me sois pas trompe et que cela continue ainsi dans la nebuleuse Angleterre, ou cette lettre vous suivra probablement. (Je l'adresse a la rue de Douai.) Certaines choses dans votre lettre m'ont cependant attriste - vous savez de quoi je veux parler. J'avais concu une veritable amitie pour G<ounod>, malt gre certains traits de son caractere qui ne m'ont poin-echappe, et que j'attribuais a son education jesuitique3 et malgre... Mais etre ingrat envers vous! Agir comme il l'a fait, c'est revoltant - tout est fini entre nous - je ne veux plus me souvenir de lui, tout en conservant le plus vif interet pour son talent4. C'est dommage que de pareilles decouvertes gatent jusqu'au passe; je ne voudrais plus penser maintenant au temps ou je l'ai vu composer a Courtavenel le premier acte de "Sapho"5... Allons, n'en parlons plus. N'oubliez pas votre promesse de m'envoyer tout ce qui paraitra de lui par le comptoir lazykoff. Songez un peu au desert ou je me trouve...

Si au moins nous avions du beau temps! Mais l'ete a ete atroce. Pas une seule journee supportable - froid, vent, pluie - aujourd'hui il fait un vrai temps d'hiver. La bise hurle autour de ma maisonnette, elle secoue les arbres encore verts avec furie, elle les depouille de leurs feuilles, comme si elle avait hate d'eu finir avec tout ce qui reste de l'ete. Une pluie glaciale cingle les vitres - le ciel est, tantot d'un blanc fade et terne, tantot d'un gris de plomb, et la pluie de redoubler! C'est abominable... et le barometre est, a un degre au-dessous de la pluie. Quelle perspective! Mais il faut s'y faire. J'ai devant moi six mois d'un temps pareil, que dis-je six - neuf jusqu'au printemps!

J'ai recu aujourd'hui la nouvelle que mes "Memoires d'un chasseur" ont enfin paru a Moscou. Il faut esperer que leur publication ne me fera pas de tort - ils etaient tout prets au mois d'avril, et si j'ai attendu jusqu'a present, je l'ai fait pour montrer que je n'avais aucunement l'intention do braver qui que ce soit. Je crois meme que tous ceux qui les liront rendront justice a mes sentiments patriotiques. J'ai charge mon editeur de vous envoyer un exemplaire - gardez-le dans votre bibliotheque et sachez que, quoiqu'il n'y ait pas de dedicace6, j'ai place cet ouvrage sous votre invocation, comme tout ce que je fais et ce que je pense depuis bien longtemps.

Mardi.

Toujours le meme temps - c'est vraiment inoui. N'attribuez, je vous prie, qu'a lui les low spirits de cette lettre et peut-etre encore a la maladie de la pauvre Diane, qui continue toujours, malgre des pilules qu'on m'a conseille de lui donner. Je vais partir sans elle, helas!

J'ai lu hier dans l'"Illustrated News", que mon frere recoit, la nouvelle de votre engagement a Birmingham et a Norwich. J 'attends beaucoup de details, je vous en prie, pensez a moi. A propos, mon exemplaire - ou plutot votre exemplaire de mon livre sera envoye a la rue de Douai.

Je vous demande pardon de ne pas finir cette page - il faut que j'envoie la lettre a la poste. Chere Madame V<iardot>, il ne se passe pas de nuit que je ne voie Courtavenel ou Paris en songe... Je vous assure que j'ai l'esprit et le coeur toujours pleins de vous et des votres. Je pars demain pour lepifagne, je vous ecrirai de la avant une semaine... Adieu. Mille amities a tout le monde, je vous embrasse les mains avec tendresse.

Votre

J. Tourgueneff.

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