Полине Виардо - Письма (1855--1858) - Мемуары и переписка- Тургенев Иван Сергеевич

25 мая (6 июня) 1857. Лондон

No 4

Londres,

ce 6 juin 1857.

Samedi.

Je vais continuer de vous raconter ma vie d'ici, jour par jour1, chere et bonne Madame Viardot.

Mardi 2. J'ai ete a l'Olympia Theatre voir un acteur du nom de Robson dans un arrangement anglais de "Lai Fille de l'Avare"2. Je ne sais si vous y avez vu Bouffe. Ce Robson m'a fait une tres grande impression. Il est impossible de jouer avec plus de force; il frise parfois la car-ricature, mais il vous secoue a deux mains - c'est a la lettre effrayant de verite. Les autres acteurs etaient mediocres. Des poupees en bois avec des gestes de bois et des voix idem. "La fille de l'Avare" a ete suivie d'une farce anglaise, an extravaganza 3. C'etait horriblement plat et Robson qui y jouait un role ridicule - a wandering minstrel - outrait tout, jusqu'a la demarche, d'une faeon si absurde que je suis parti sans attendre la fin. Les Anglais riaient a se tordre - ce n'est pas beau a voir, un Anglais qui rit. Ils ont l'air' d'une machine qui se detraque.

Mercredi. J'ai passe ma soiree chez Thomas Carlyle4. Il m'a beaucoup questionne sur l'etat de la Russie, sur le defunt empereur Nicolas, qu'il s'obstinait a tenir pour un grand homme - j'ai du parler en anglais et je vous jure que cela n'a pas ete facile. Enfin, je m'en suis tire tant bien que mal. Carlyle est un homme de beaucoup d'esprit et a'originalite, mais il vieillit et en vieillissant, il s'est enferre dins un paradoxe; les maux de la liberte qu'il voit de pres lui paraissent insupportables et il s'est mis a proner l'obeissance, l'obeissance quand meme. Il aime beaucoup ks Russes parce que, d'apres son idee, ils possedent, au supieme degre, le talent d'obeir et il lui a ete desagreable de m'entendre dire que ce talent n'etait pas aussi complet qu'il se l'etait imagine.-- Vous m'avez enleve une illusion, s'est-il ecrie5. Il ecrit maintenant une histoire de Frederic le Grand, qui a ete son heros des sa jeunesse, parce qu'il savait se faire obeir. Il y a un proverbe russe qui dit: Le lait chaud m'a brule, je souffle sur l'eau froide. J'aurais voulu voir Carlyle dans une peau de Russe seulement pendant une semaine; il aurait change de note. Du reste, il est tres aimable et bon enfant et sa femme aussi6.

Jeudi. Je suis alle le matin chez Mr Truemann. Je n'ai trouve a la maison que Mlle Berthe. Nous avons cause pendant une couple d'heures. Elle a beaucoup, mais beaucoup engraisse - decidement l'air de Londres lui fait beaucoup de bien. Puis je suis alle diner chez Mme Stanley (la veuve de l'eveque de Norwich, protecteur de Mlle Lind). Tout le monde etait en cravate blanche, etc. et il m'a fallu parler anglais de nouveau. Cependant, je ne me suis pas ennuye. Apres le diner, on m'a presente au celebre historien Grote et a sa femme, grande et forte femme aux cheveux teints, a l'odeur de musc, au regard tombant d'aplomb. Grote est extremement simple et modeste, tandis que sa femme a l'air d'avoir fait l'histoire de son mari et son mari lui-meme par-dessus-le-marehe. Elle dit: Nous (we) venons de recevoir un diplome tres flatteur de la Societe d'Amsterdam,; etc. On dit que c'est elle qui a ecrit dans le "Times" ces terribles articles signes "an Englishman" et diriges contre le gouvernement franeais avant 18527. On m'a presente aussi a la s?ur de Mac Aulay.

Vendredi. Le matin chez Herzent qui me lit ses "Memoires"8. Le temps est superbe. Je dine avec Muller et le soir nous allons a un concert ou nous entendons une sonate (no loi) de Beethoven que je n'ai pas pu comprendre,; puis un concerto de Bach pour deux pianos (Rubinstein et Klindworth) - admirable. On a joue aussi un ottetto de Rubinstein qui ne m'a pas plu9.

Aujourd'hui, je vais chez Mr Nightingale, mais je vous parlerai de tout cela mardi.

Comment allez-vous? Que faites-vous dans ce cher bon Courtavenel? Le temps vous favorise. Si vous ne pouvez pas marcher, au moins faites-vous porter dans la cour10. Saluez tout le monde et toutes les choses de C de ma part. Portez-vous bien et n'oubliez pas

votre J. Tou.

P. S. Ecrivez-moi, s'il vous plait, et longuement. J'ai trois ns d'avance sur vous. Und vergessen Sie nicht..!

Иван Тургенев.ру © 2009, Использование материалов возможно только с установкой ссылки на сайт