А. А. Трубецкой - Письма (1855--1858) - Мемуары и переписка- Тургенев Иван Сергеевич

29 июля (10 августа) 1857, Булонь

Вoulogne-sur-Mer.

10 aout 1857.

Il y a bien longtemps que j'aurais du repondre a votre aimable lettre, chere et bonne princesse1 - mais... mais je ne l'ai pas fait, je me reconnais coupable et vous demande pardon. Je suis ici depuis une semaine; j'ai quitte Sinzig, dont les eaux me faisaient plus de mal que de bien et me voici prenant des bains de mer. Je ne m'attends pas a ce qu'ils me fassent beaucoup de bien - je les prends par acquit de conscience.

Je ne suis pas venu directement de Sinzig a Boulogne; je suis alle a Bade pour y voir Tolstoi qui, ayant perdu tout son argent a la roulette, y etait reste comme un poisson sur le sable; je le remis a flot grace a l'obligeance d'un ami2 - et je le fis partir pour la Russie. A l'heure qu'il est, il doit etre deja a Petersbourg. Le jour meme de mon arrivee a Bade, il avait reeu une lettre qui l'informait d'un grave evenement survenu dans sa famille. Sa s?ur3 s'est vue obligee de quitter son mari4 et de se refugier chez son frere5 (pas celui que vous avez vu a Paris6, mais un autre, tres excellent et tres raisonnable gareon). Ce resultat ne m'a pas etonne - il y a longtemps qu'en bonne logique il aurait du se produire - le mari de la s?ur de T est une espece de Henri VIII campagnard - il lui ressemble meme de figure - il est tres gros - a des maitresses et des enfants naturels par dizaines.

Ce qui a fait eclater le scandale - ea a ete une querelie entre deux favorites, dont l'une est allee montrer a la femme des lettres, ou le mari fait toutes sortes de plans-et de promesses dans le cas de la mort de la pauvre comtesse, etc., etc. Nous parlions de chemins battus7 - il parait qu'il y a des casse-cous et des fondrieres dans ces chemins-la, comme dans les autres. Tout ceci a decide T de partir sur-le-champ; il peut etre utile a sa s?ur. Cette pauvre femme etait nee pour la vie conjugale la plus calme; le coup qui vient de la jeter hors de sa sphere naturelle lui sera doublement cruel. Au fonds je crois que c'est un bonheur pour elle - si elle y survit; elle deperissait avec son mari, mais ce choc peut la tuer" (Elle a trois enfants qui sont avec elle.) Tolstoi a promis de m'ecrire a Paris, poste restante8.

Je compte rester ici encore une dizaine de jours; je ferai une petite excursion d'un jour a Londres - et je serai a Paris avant le 25 de ce mois. Viardot et moi, nous comptons profiter de l'invitation du prince, et venir chasser a Bellefontaine. Il n'est pas impossible que j'aille vous voir avant de me rendre au chateau de Mme Viardot9.

Vous seriez bien bonne de m'ecrire deux mots a Boulogne, Hotel du Pavillon Imperial nR 62. Le pce Orloff10 m'avait annonce son intention d'aller vous faire une visite - l'a-t-il effectuee? Quel est le jour de l'ouverture de la chasse dans votre departement?

Il est possible que je ne reste ici qu'une semaine. Dans ce cas, je retournerai en France par Dieppe ou je passerai 5 a 6 jours avec un de mes amis, Mr Botkine11. Comme je tiens fort a ce que votre lettre ne se perde pas, vous feriez bien de m'ecrire a Paris, poste restante, a moins que vous ne poussiez la complaisance jusqu'a me repondre immediatement. Mais cela serait trop de bonte, en verite!

Je me rappelle au bon souvenir de tout votre monde - et vous prie de me continuer votre amitie. Donnez-moi des nouvelles du prince et dites mille choses affectueuses de ma part a Mlle votre fille12.

Votre tout devoue

J. Tourgueneff.

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