Полине Виардо - Письма (1855--1858) - Мемуары и переписка- Тургенев Иван Сергеевич

15 (27) октября 1857. Генуя

Genes,

le 27 octobre 57.

Mardi.

Je vous ecris deux mots d'ici, chere Madame Viardot - une heure avant de m'embarquer pour Livourne et Civita Vecchia.-- Il y a quatre jours que nous1 sommes ici - c'est trois jours de plus qu'il ne faudrait rester a Genes - une malle oubliee par le conducteur a mi-chemin nous a retardes - puis, le bateau a vapeur a manque - enfin, nous partons aujourd'hui, et si Dios quiere, apres-demain soir, nous serons a Rome2.-- Nous avons eu du bonheur avec la Corniche, il a fait un temps radieux.-- La Corniche est une vraie merveille - surtout la premiere moitie - on est suspendu entre le ciel et la mer - on roule a travers toutes sortes de parfums, de magnificences - c'est magique - vous sentez la beaute vous entrer a grands flots sereins par les yeux dans l'ame - on est tout inonde, tout submerge de beaute. Et puis imaginez-vous que nous avons vu pendant les deux jours de notre voyage sur la Corniche plus d'admirables visages de femme que dans des annees entieres partout ailleurs.-- Quel sang genereux et quelle variete de types! - Une simple servante qui est venue nu-pieds reconduire un vieux bonhomme dans les environs de Savone nous a frappes comme etant la creature la plus ravissante que nous ayons jamais vue.-- Genes est une tres belle ville - mais les femmes y sont (quoique les Guides disent le contraire) repoussantes.-- Tous les Genois ont la tete grosse, les jambes de travers, les traits lourds et une tendance au goitre - rien que cela! - Il y a de fort beaux palais et des rues immondes - (a propos, j'ai trouve l'original du Ribera de Viardot3 dans lo palais Balbi; un portrait de Van Dyk - le marquis de Brignoles sur un grand cheval gris4 - est "un portento"), La description de Genes dans la "Daniella" de Mme Sand5 est tres fidele.-- Ne lisez pas - si vous avez Г intention de lire "Daniella" - le 2d volume; c'est si mauvais que cela en devient triste; mais il y a de belles choses dans le 1-er volume, quoique le caractere de Daniella soit impossible ; mais j'ai deja remarque plus d'une fois que ce qui choque le moins les Franeais dans une ?uvre d'art c'est l'absence de verite.

Je suis alle trois fois au theatre.-- J'ai vu au "Carlo Felice" la "Linda" (avec le joli petit duo favori)6 - et "L'Elisire"7. Une Mme Poggi remplissait les roles de primadonna; elle a une voix de deux sous - mais elle chante agreablement et a du charme; les autres etaient des cani. - Le public etait froid; mais il ne l'etait malheuresement pas le troisieme soir au theatre Apollo! On y donnait un opera bouffe d'un maestro de Giosa (Don Checco)8.-- Vous dire jusqu'a quel point c'etait "wretched" - est impossible.-- Du Verdi de la plus ignoble espece9, un fortissimo perpetuel, des hurlements unisono - et de la part du public des applaudissements forcenes! - Quelle degoutante betise! Le role de D Checco (une espece de pauvre diable toujours transi et affame) - etait rempli par un jeune gareon du nom de Ciampi, qui ne manque pas de talent - mais qui va se tuer au metier qu'il fait.-- Cette brutalite dans la decadence fait mal a voir - et pourtant, c'est la patrie de Rossini!

J'espere - (l'homme est ainsi fait!) trouver une lettre de vous a Rome - quel bonheur cela serait! - Je vous ecrirai des le lendemain de notre arrivee.-- Il y a eu de grandes inondations dans le Piemont10 - et nous avons vu pas mal de ponts renverses.-- J'ai traverse une riviere sur le dos d'un homme, qui a manque me jeter a l'eau.-- Adieu, theuerste Freundinn. Mille choses a Viardot et a tout votre monde. Embrassez Pauline de ma part et permettez-moi de vous baiser tendrement les mains.

Votre J. Tourgueneff.

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