Полине Виардо - Письма (1855--1858) - Мемуары и переписка- Тургенев Иван Сергеевич

25 июня (7 июля) 1858. Спасское чб

Spasskoie,

le 7 juillet/25 juin 1858.

Theuerste Freundinn, je reviens a Spasskoie apres une absence de quatre jours et je trouve votre lettre qui m'annonce la triste nouvelle1! Je n'osais pas vous parler de mes pressentiments; je m'efforeais de me persuader a moi-meme que tout pouvait encore bien finir,-- et voila qu'il n'est plus! Je le regrette beaucoup pour lui-meme; je regrette tout ce qu'il a emporte avec lui; je ressens profondement la cruelle douleur que cette perte vous a causee, et le vide que vous ne remplirez que bien difficilement. Il vous aimait bien! Viardot et Louise doivent etre bien tristes aussi tous les deux. Quand la mort frappe dans nos rangs, les amis qui restent doivent se resserree encore plus etroitement; ce n'est pas une consolation que, je vous offre, c'est une main amie que je vous tends, c'est un c?ur bien devoue qui vous dit de compter sur lui commf sur celui qui vient de cesser de battre.-- Je ne puis m'empecher de penser a la derniere fois que j'ai vu Scheffer; il avait si bon air que l'idee d'une derniere entrevue ne pouvait pas meme se presenter a mon esprit. Il etait en train de peindre un Christ avec la Samaritaine; je m'assiffl derriere lui et nous causames longuement; Je lui racontais mon voyage en Italie (c'etait dans les premiers jours du mois de mai). Jamais je ne l'ai vu plus affable et de meii*| leure humeur. Quel coup terrible pour sa fille2!

Je suis trop sous l'impression de cette funebre nouvelle! pour vous parler beaucoup de moi. Je vous dirai en deux! mots que j'ai passe trois journees fort agreables chez deal amis: deux freres et une s?ur3, excellente personne qufe se sent tres malheureuse : elle a ete forcee de se separer dej son mari, espece de Henri VIII campagnard fort degootant tant4; elle a trois enfants qui viennent tres bien, surtout depuis que le papa n'est plus la. Il les traitait fort durement par systeme; il se donnait le plaisir de les elever a la Spartiate, tout en menant un train de vie directement oppose. Ces choses-la arrivent souvent: on se donne ainsi les agrements du vice et de la vertu, ceux de la vertu par procuration. Des deux freres, l'un est assez insipide5, l'autre6 est un charmant gareon, paresseux, phlegmatique, peu causeur, et, en meme temps, tres bon, tres tendre et delicat de gout et de sentiment, un etre veritablement original. Le troisieme frere (le comte L. Tolstoi, celui dont je vous ai parle comme un de nos meilleurs ecrivains, cela vous fait sourire et vous rappelle Feth, que je vais voir demain, car il est mon voisin7; - mais pour Tolstoi: il est serieusement et pour tout de bon un talent hors ligne, et j'espere bien un jour vous en convaincre en vous traduisant son "Histoire d'une enfance"8. Je ferme ici cette interminable parenthese). Le troisieme frere, dis-je, qui devait venir, n'est pas venu.

La s?ur est assez bonne musicienne: nous avons joue du Beethoven, du Mozart etc. Es ist die selbe Grafin, die eine Neigung fur mich gehabt hatte; Ich glaube, das alte Feuer gluht noch unter der Asche; was hilft's aber9?

La chasse commence dans peu de jours. Les auspices sont favorables; le printemps a commence de bonne heure et il parait que les jeunes coqs de bruyere sont deja assez gros. Je m'en vais a 150 werstes d'ici et je ne reviendrai que dans une dizaine de jours10.

Je vous ecris a Londres et peut-etre etes-vous deja a Courtavenel11. Dans ce cas, j'espere qu'on vous enverra cette lettre.

Je vous serre la main bien cordialement; je vous dis: courage et resignation - je vous souhaite bonne sante et bonne humeur. Mille choses a tous les votres; que Dieu veille sur vous: c'est la seul priere que je lui adresse.-- A revoir.

Votre tout devoue

J. Tourgueneff.

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