Полине Виардо - Письма (1855--1858) - Мемуары и переписка- Тургенев Иван Сергеевич

15 (27) декабря 1858, 30 декабря 1858 (11 января 1859), С.-Петербург

St. Petersbourg,

ce 15/27 decembre 1858.

Avant toute chose grand'merci pour votre lettre de Weimar, theuerste, liebste Freundinn. Elle m'est parvenue en 6 jours; je venais de vous en expedier une a PariSj me doutant bien que vous ne seriez plus a Pesth.-- Vous dites m'avoir ecrit deux lettres de Pesth - helasf je n'en ai reeu qu'une - celle de Viardot1.

Ce 30 decembre 1858/11 janvier 1859 Je vous demande bien pardon de cette interruption, chere et bonne Madame Viardot.-- Ce qui, peut-etre, la rendra moins impardonnable a vos yeux, c'est qu'elle a eu ma guerison pouf cause - et que je me suis hate de profiter de la permission de sortir, apres 6 semaines de reclusion.-- Je n'ai presque pas eu un moment a moi depuis 10 jours - diners, visites a faire et a recevoir, nouvelles connaissances2, mon roman a imprimer3 - enfin ea a ete un tourbillon.-- Mais comme il est dans la nature de toute chose de revenir a son centre de gravite - me voici de nouveau en presence de votre cher et bon souvenir - et il faut que je cause un peu avec vous.

Les nouvelles politiques d'ici les plus importantes (-- je commence par la politique pour se debarrasser d'elle au plus vite, comme d'un importun) - sont: l'admission par le gouvernement de la necessite du rachat des terres appartenant aux paysans; - l'etablissement d'un comite dirigeant pour la litterature, d'une espece de bureau de la presse4; - le chef de la police secrete est un des membres de ce comite...5 "Segurito va Ud., senor polio".-- Voila tout pour le moment.

Passons au feuilleton. Le "tragedien negre" - Ire Oldridge - a eu ici un succes immense dans les roles d'Othello, du roi Lear; je ne l'ai pas vu, malheureusement, grace a ma laryngite; et je ne le verrai pas, grace a Mr Sabouroff, qui lui a fait je ne sais quelle avanie6. On donne "Le Cte Ory" a l'Opera avec Mme Bosio et Calzolari7: et il faut avouer que l'execution en est parfaite.-- Dieu veuille qu'a l'aide de cette delicieuse partition du maestro par excellence, Verdi devienne un peu moins envahissant, car il n'y a pas de chances de le detroner8.-- Mme Bosio ehante a ravir, quoique sa voix m'ait paru un peu fatiguee et incertaine - le public l'aime toujours beaucoup9.-- La personne que je vois le plus souvent - c'est une comtesse Lambert, fille du ci-devant ministre des Finances, Gancrine.-- C'est une personne agee deja et maladive - tres sympathique, bonne et spirituelle.-- J'ai ete une fois chez le Cte Matthieu Wielhorski.-- Tout ce qui faisait le charme de cette maison - a disparu avec le comte Michel10. Il m'a demande de vos nouvelles.-- Nous sommes ici une quinzaine de vieux amis; nous nous voyons souvent et nous nous tenons fermes11. - Quand on devient vieux soi-meme - on n'a plus de gout que pour les vieilles choses.-- C'est a la jeunesse de se faire des convictions, de changer d'affections - nous avons pris racine - et nous restons a notre place - jusqu'a l'annee du moissonneur "qui fauche sans relache", comme dans votre chanson.-- Et a propos de musique, que fait "Le Faust" de Gouaod?12 Et puisque j'ai entame le chapitre des interrogations - ou passez-vous l'hiver? - Et le printemps - et l'ete? A quelle epoque allez-vous a Londres? Quand je pense que je puis dire: nous nous verrons cette annee-ei - s'il plait a Dieu - voila qui est bon a dire!

D'apres les lettres que je reeois de Paulinette, il me semble qu'il s'opere un changement en elle; elle cesse d'etre enfant - et il y a du bon et du mauvais dans ce fait.-- Je crois lui decouvrir un assez grand penchant pour les plaisirs mondains - il faut tacher de l'arreter sur cette pente. Mme Harang fait bien de ne pas la laisser sortir trop souvent - et il ne faut pas qu'elle croie que je la prendrai des le mois de mai; je la laisserai dans sa pension jusqu'a l'automne - et puisf il faudra reflechir a l'hiver.-- Usez de votre influence sur elle, je vous prie; elle vous aime beaucoup et a confiance en vous.

Parlez-moi un peu de Didie13 (son groupe est delicieux - a faire encadrer) - de Louise14, de vous surtout.-- Je rougis de repeter que j'ecrirai une lettre a Viardot - mais je le ferai - je le remercie beaucoup de ses deux lettres15. Mon oncle vient de m'ecrire16 que j'aurai mon argent dans le courant du mois de janvier; des que je le touchera, je l'enverrai a Paris par l'entremise de Stieglitz.

Adieu - a revoir - dans quatre mois17.-- Portez-vous bien, soyez heureuse et laissez-moi baiser tendrement vos belles et cheres mains.

Votre

J. Tourgueneff.

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