Полине Виардо - Письма 1862-1864 - Мемуары и переписка- Тургенев Иван Сергеевич

14(26) марта 1864. Париж

No

Paris,

rue de Rivoli, 210.

Samedi, 26 mars 1864.

Chère et bonne Madame Viardot, je n'ai pas reèu de lettre de vous - j'en espérais pourtant une - mais il est vrai que vous devez être bien occupée et préoccupée dans ce moment. Enfin, je compte sur votre promesse de m'écrire le lendemain d'"Orphée"1 Je vais vous dire sommairement ce que j'ai fait hier et avant-hier.-- 1°) Nous avons eu une longue conversation avec Pauline - et le résultat a été qu'elle ne veut pas entendre parler de Mr Pinet 2. Je ne lui ai pourtant pas marchandé la vérité et je lui ai dit que la position dans laquelle elle se trouve ne pourrait en aucun cas se prolonger après la fin de cette année.-- Je ne suis pas encore décidé où elle passera l'été - à Paris très probablement, mais pas dans l'appartement que nous occupons maintenant - cela va sans dire. Mme Innis souffre beaucoup de douleurs à l'oreille - je crains que ce ne soit un abcès.-- 2°) J'ai revu Fridolin 3, que j'ai trouvé gras et florissant.-- Hier nous avons dîné ensemble comme des ogres chez Véfour (huîtres impériales etc., etc. ...).-- Avant-hier soir nous sommes allés ensemble au théâtre italien - assister à un concert spirituel.-- Les morceaux du "Stabat" de Rossini4 ont eu les honneurs de la soirée - surtout le "quis est homo" que les deux sœurs Marchisio ont chanté comme des anges. Carlotta (le soprano) avec sa figure de carlin et ses magnifiques yeux m'a fait l'impression d'une nature nerveuse, originale et volontaire, avec une très forte dose de diable au corps; sa voix est très belle. Le pauvre Mario est toujours beau comme Adonis - et c'est tout.-- Rossini est passé maintenant définitivement à l'état de Dieu - on ne parle de lui et de sa "Messe"5 qu'avec des prosternements (Nb. Je ne sais pas, p e, si ce mot existe). Lundi, nous allons encore ensemble, Fridolin et moi - entendre "Mireille"6. Fridolin trouve cet opéra très poétique et très intéressant - et il est médiocrement enchanté du "Marquis de Villemer"7; il n'est pas impossible que mon impression soit la même. Pourtant au point de vue du public - "Mireille" (que je vous ai envoyée dès avant-hier)8 n'est pas un succès. Scudo la déchire9 - et Berlioz n'est pas content10. Si c'était "Les Troyens"11. J'ai vu ce matin le premier portrait peint par Fridolin: il est ma foi, très bien - quoique un peu trop "ingrisé"12. Il y a de la noblesse et de la pureté - il n'y a pas encore assez de force et de maestria. J'ai vu Mérimée chez lequel je suis resté trois heures à peu près - j'ai vu M. Tourguéneff13 (sa femme est à Cannes avec ses deux fils) et j'ai vu la princesse Troubetzkoï souriante et gaie et mieux portante au milieu de son désastre14, parlant avec le même intérêt des choses poético-philosophiques, s'enquérant beaucoup de vous et prête à pleurer de n'avoir pas reèu un album de vous15. Je lui prêterai mon exemplaire pour la consoler un peu. Je verrai aujourd'hui Mme Delessert.-- Adieu: pour que ce mot me soit moins pénible, il faut que je me dise: tu seras dans un mois de retour. En attendant je dis mille choses à tout le monde et vous serre bien fort les mains.

Der Ihrige J. T.

Иван Тургенев.ру © 2009, Использование материалов возможно только с установкой ссылки на сайт