Полине Виардо - Письма 1862-1864 - Мемуары и переписка- Тургенев Иван Сергеевич

16(28) марта 1864. Париж

No 3

Paris,

rue de Rivoli, 210.

Lundi, 28 mars 1864.

Chère et bonne Madame Viardot, je viens de recevoir la lettre de votre mari (auquel je réponds sous cette enveloppe même) et elle a dissipé les inquiétudes que je commenèais à avoir.-- Grâce à Dieu, tout le monde se porte bien et vous n'avez que les préoccupations inévitables par le temps qui court.-- Je penserai beaucoup à vous aujourd'hui soir: j'espère que votre texte ne vous embarrassera pas trop et je suis sûr que vous triompherez sur toute la ligne1.-- Et maintenant je vais vous parler de ce que j'ai fait ici pendant ces deux derniers jours.

J'ai vu Mme Delessert et j'ai causé longuement avec elle. Elle est très raisonnable et comprend fort bien la position de Paulinette, à laquelle elle porte un vif intérêt.-- Elle ne regrette pas trop la déconfiture de Mr P2 - et elle m'a presque formellement déclaré qu'elle se chargeait de trouver un parti convenable; aussi veut-elle que Pauline vienne s'établir avec Mme Innis à Passy, dans son voisinage, dans un appartement qu'elle connaît et qui ne coûtera que fort peu d'argent.-- Cela rentre tout à fait dans mes vues, et dès le 1-er mai ces dames vont {Далее зачеркнуто: finir} y aller.-- Dieu veuille que ceci ait un résultat quelconque3! - Je ne veux plus penser au maillot rose; je pense beaucoup plus à mon retour à Bade, où je veux arriver dès le 1-er mai, si c'est possible.-- J'ai vu Aignan, qui m'a reèu les bras ouverts; il est très gentil pour moi {Далее зачеркнуто: et}. J'ai dû lui raconter tous les principaux incidents de mon voyage; il quitte Paris dans 15 jours. J'ai vu Mr Tourguéneff4,-- et j'ai vu aussi ce fameux marquis de Villemer5.-- Je partage un peu l'opinion de Pomey: il y a un personnage charmant, gai, naturel, plein d'esprit, et du meilleur, qui fait rire ou sourire dès qu'il entre en scène - et que Berton joue à ravir: c'est le duc d'Aléria.Tout le premier acte est délicieux - quant au reste, hum! hum! - Les autres personnages sont assez peu de chose, et puis, à partir du troisième acte, il y a de nouveau cet embrouillamini philosophico-psychologico-amoureux, ce pénible et peu clair entrechoquement de mésentendus, de subtilités, qui caractérise malheureusement le beau, le grand talent de Mme Sand6.-- Ribes dans le rôle du marquis est hideux: c'est une espèce de sauterelle ou plutôt d'araignée empoisonnée.-- Mme Rancelli fait très bien la mère; Mme Thuillier - la gouvernante - est pas mal lieu commun. Le succès est très grand, la foule immense; je me trouvais dans une baignore très près des claqueurs: il y en avait un, encore jeune, à la figure moutonne et endormie, qui était chargé des gémissements d'attendrissement.-- Il les faisait partir aux mots trilles: "et ma mêêêê-re" - "mais je vous aiaiaiai-me" et il les lâchait tout en gardant son expression indifférente.-- Cela m'a fait rire. En somme, je suis content d'avoir vu cela,-- mais cela ne change en rien mon opinion sur Mme Sand.-- Nous allons aujourd'hui, Fridolin et moi, à "Mireille"7.-- Reyer, chez Mme Deles-sert, nous en a chanté des fragments adorables.

J'ai revu les habitants de la rue de Clichy8. Le p(rin)ce est comme Micawber9, tour à tour rayonnant et désespéré. Je vais aujourd'hui chez Millet10 et Mme Marjolin11.-- Je vous écrirai après-demain.-- Et j'aurai des nouvelles d'"Orphée" après-demain, n'est-ce pas?

Mille amitiés à tout le monde et le plus affectueux shakehands à vous.

Der Ihrige J. T.

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