Полине Виардо - Письма 1862-1864 - Мемуары и переписка- Тургенев Иван Сергеевич

19(31) марта 1864. Париж

No 4

Paris,

rue de Rivoli, 210.

Jeudi, 31 mars 1864.

Chère Madame Viardot, j'ai reèu ce matin votre bonne lettre: tout s'est passé comme je l'avais prévu - (il ne fallait pas être grand prophète pour cela) et je crie: bravo1! - Maintenant je souhaite que le grave événement que vous attendez avec tout autant d'anxiété que votre fille2 se passe vite et bien - et alors nous n'aurons plus devant nous que des jours doux et charmants.

Eh bien! j'ai revu "Mireille" et je suis heureux de rétracter le mot de fiasco, qui était tombé de ma plume sous l'influence d'une froide et triste représentation3.-- Il n'y a pas d'enthousiasme,-- c'est évident,-- mais il y a succès d'estime pour la foule, ravissement pour quelques-uns. J'ai écouté avec la plus grande attention - j'ai eu plus de plaisir que la première fois, mais le troisième acte m'a paru tout aussi froid et manqué, comme paroles et comme musique. C'est lui qui tue l'opéra et c'est pourtant précisément cet acte que les amis de Gounod s'obstinent à proclamer une œuvre de génie.-- J'ai déjeuné chez lui le lendemain de ma première représentation de "Mireille": hélas! l'homme me déplaît plus que jamais. Il s'est entouré maintenant d'une atmosphère aussi impénétrable à la vérité que l'est celle qui entoure les rois, et puis cette vase de prêtre erotique qui remonte à la surface... Je ne puis digérer cela, et puis sa femme donc4. Mais il y avait à ce déjeuner une personne charmante et qui m'a parlé de vous: c'est Berthe de Besplas. Le malheur qui l'a frappée lui a ôté toutes les petites mignarderies d'autrefois: elle est très simple et très touchante. Elle est toute blanche et a même engraissé - le noir lui va très bien. Pauvre fille! Elle m'a véritablement ému5.

J'ai revu Chorley6, qui est aussi bon et aussi bizarre que jamais.-- Les Troubetzkoï ne sont pas tellement ruinés qu'ils ne puissent garder Beliefontaine7 où ils vont se rendre dans deux ou trois semaines; puis le papa Goudovitch a envoyé un peu d'argent, et le bon prince a pu me donner un dîner avec du vin rouge très ordinaire qu'il qualifiait de vin de la Touche, superfin. Il avait beau jeu avec un ignare tel que moi, qui entends pour la première fois prononcer ce nom. La princesse est charmante - Marianne aussi8: on vous aime beaucoup dans cette maison. Poupet vit toujours, Riza9 dort roulée dans son fauteuil et il y a deux oiseaux à huppe rouge dans la cage!

Mme Miolhan10 est parfaite dans Mireille: elle a des phrases adorables à dire: "Et moi, quand par hazard" ou encore "C'est aujourd'hui que l'église des saintes". La farandole du 2-d acte est un chef-d'œuvre.

Le buste de Beethowen11 part demain pour Bade. Je vous envoie aussi sous bande un petit récit à moi12, inséré dans la "Revue des Deux Mondes" de 1858, dont je crois vous avoir parlé.-- Et à propos de cela, il paraît que l'entretien de Lamartine sur moi va paraître prochainement13.-- Hein? Quel honneur? - Il faut que j'aille chez lui et lui dise... Je ne dirai rien, je me connais, je marmotterai quelque chose d'inintelligible14.

Avez-vous eu des difficultés pour la prononciation du texte allemand15? - Nous allons demain voir la maison de Passy16: il faut que ces dames y soient installées dès la fin du mois prochain. Le 1-er mai, je suis à Bade 17.-- En attendant, je dis mille choses à tout le monde et vous baise tendrement les mains.

Der Ihrige J.T.

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