Валентине Делессер - Письма (Апрель 1864-декабрь 1865) - Мемуары и переписка- Тургенев Иван Сергеевич

10 (22) октября 1865. Баден-Баден

Bade.

Schillerstrasse, 277.

Dimanche, 22 oct. 1865.

Chère Madame Delessert, votre petite lettre m'a causé un mélange d'attendrissement et de reconnaissance qu'il me serait difficile de définir, mais que vous comprendrez. On venait de m'envoyer (après un délai de trois mois)-- la dernière lettre que vous m'écrivîtes à Spasskoïé - celle où vous me parlez d'une branche de tilleul - allusion que je n'avais pas comprise, quand je vous vis à Paris - et j'allais rompre enfin mon long et impardonnable silence, quand vint l'annonce du douloureux événement survenu à Pauline1 - et puis votre billet. Je vous prie de me permettre de vous remercier bien affectueusement. Mon gendre m'écrit que Pauline se rétablit rapidement et qu'il n'y a aucun accident secondaire à craindre. Il paraît que cela arrive souvent aux nouvelles mariées - et puis ils sont jeunes tous les deux et j'aurai encore le temps d'être plusieurs fois grand'père. Il faut se résigner à cette déception - et attendre.

J'ai beaucoup pensé à vous tout ce temps-ci. Je ne doute pas qu'on exagère beaucoup la gravité de la maladie qui sévit à Paris2, cependant il m'était pénible (et il l'est encore) de penser que vous vous y trouvez maintenant. L'air de Passy, de votre maison surtout, est très bon - cependant vous feriez bien de faire quelques petites excursions dans le genre de celle que vous venez de faire, à en juger par la date de votre billet. Je ne serai tranquille que quand l'hiver sera bien établi, puisqu'on prétend que le froid chasse définitivement les mauvaises influences.

Ici nous sommes dans le feu de la chasse, des grandes battues, grandes tueries de lièvres, etc. Je m'en donne à cœur joie - et un léger sentiment de fatigue - pas désagréable du reste - ne me quitte pas. Le temps a été splendide jusqu'à ce moment - mais je crois que les pluies vont venir - et je vais tâcher d'en profiter pour me remettre au travail, si c'est encore possible. Ma maison est achevée extérieurement; c'est mon jardin qui me donne de la besogne à présent; voici novembre, l'époque des plantations. Cela m'occupe beaucoup: malheureusement les nouvelles de Russie ne sont pas bonnes: l'épizootie, les froids prématurés m'ont fait subir des pertes assez considérables - et l'argent n'arrive pas en abondance: avec cela que le cours du change nous en enlève un bon quart. Enfin - là aussi - il faut prendre patience et attendre.

J'ai reèu une bien bonne lettre de Mr Mérimée3 - je vais lui répondre: aujourd'hui même. J'ai beaucoup d'affection pour lui - et je sens qu'il en a un peu pour moi. Je voudrais pouvoir continuer à écrire ne fût-ce que pour lui donner de la besogne et avoir l'honneur de se voir traduit par lui.

Mille amitiés à tous les vôtres, à commencer par Mme de Nadaillac. Je compte bien venir à Paris dans le courant de cet hiver,-- et il va sans dire que ma première visite sera pour vous. En attendant, portez-vous bien - et recevez avec mes remercîments les plus affectueux, l'expression de mon dévouement inaltérable.

J. Tourguéneff.

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