Полине Виардо - Письма (Апрель 1864-декабрь 1865) - Мемуары и переписка- Тургенев Иван Сергеевич

4 (16) апреля 1864. Париж

No 15

Paris.

rue de Rivoli, 210.

Samedi, 16 avril 1864.

8 heures du matin.

Il y a deux heures que je suis levé, chère et bonne Madame Viardot; l'attente de la lettre qui ne peut manquer de venir aujourd'hui m'empêche de dormir. Quelles nouvelles m'apportera-t-elle?

J'ai dîné hier chez Mérimée avec Augier. On a causé de beaucoup de choses. Il y avait aussi deux vieilles demoiselles anglaises, chez lesquelles Mérimée demeure à Cannes et qui sont devenues des caniches1. Elles contribuaient peu à l'animation de la conversation. Augier est toujours le même: il a beaucoup d'esprit et son esprit est charmant. Il a parlé de Vivier, qui lui aurait fait une cour véritable après une promenade que lui, Augier, venait de faire avec l'Empereur: cela s'allie peu avec le dédain de toutes choses que professe Vivier. (L'Empereur a dit à Augier que Vivier avait de l'esprit, mais que c'était toujours la même chose et qu'il ne fallait pas le voir deux fois de suite... Ces paroles-là sont également en contradiction avec certaines assertions de Vivier.) Je ne puis pas continuer... je vais me mettre à attendre.

8 1/2 h.

Deux lettres2... Cela m'a de nouveau fait battre le cœur; j'ai cru à une solution. Mais non; tout reste comme auparavant et pourtant les nouvelles sont meilleures. Je suis très content que vous n'alliez à Carlsruhe chanter "Le Prophète" que l'autre dimanche3; j'en suis content pour vous d'abord, pour Louise et pour moi; car j'assisterai certainement à cette représentation (si rien ne m'arrive), puisque je quitte Paris mercredi soir ou jeudi matin. Toutes vos commissions et celles de Viardot seront ponctuellement remplies; j'espère qu'il aura la bonté de faire ce que je lui demandais dans ma lettre d'avant-hier et qu'il m'enverra un petit mot soit pour Pomey, soit pour son banquier4. Nous dînons aujourd'hui avec Pomey et nous allons ensuite voir Fr. Lemaître dans une nouvelle pièce, "Le comte de Saulles", il paraît qu'il y est excellent5.

Les arbres des Tuileries sont presque entièrement couverts de feuilles - mais je ne veux avoir de sentiments printaniers qu'à Bade. L'air est encore froid - et la lenteur avec laquelle le printemps arrive nous paraît un peu insipide, à nous autres Russes, habitués que nous sommes à une explosion violente, presque brutale de la vie arrêtée et enfouie pendant cinq mois sous la glace et la neige. Pourtant, je suis sûr que le printemps va me paraître charmant là-bas.

Que dites-vous de la réception de Garibaldi à Londres? C'est un grand spectacle, le seul auquel on puisse attribuer, maintenant, le nom de religieux6. Avec toutes ses faiblesses, c'est un saint, et c'est comme tel qu'on l'acclame et qu'on le salue. A tout prendre, il vaut bien St. Cucufin ou cet incompréhensible St. Joseph7. Lisez les détails dans le "Times": cela en vaut la peine, Mlle Marx l'a, je pense.

Quand je me figure que dans une semaine il y aura déjà deux jours que je serai arrivé à Bade, j'ai envie de faire une petite cabriole dans la chambre. Mais la crainte de faire écrouler la maison m'arrête.

A bientôt. Mille amitiés à Viardot, à tout le monde,-- Je vous baise les mains avec la plus grande affection.

Der Ihrige

J. T.

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