Полине Виардо - Письма (Апрель 1864-декабрь 1865) - Мемуары и переписка- Тургенев Иван Сергеевич

13 (25) ноября 1864. Париж

Paris,

10, rue Basse. Passy.

Vendredi, ce 25 nov. 64.

Chère Madame Viardot.

Grand merci pour la bonne petite lettre que j'ai reèue hier1 et pour la promesse de m'en écrire une autre plus grande; j'espère qu'en même temps je recevrai vos commissions, car, je le répète, je quitte Paris mardi matin. Ainsi, ne perdez pas de temps. Maintenant, passons aux nouvelles.

Jeanne va tout à fait bien maintenant2. Je la vois tous les jours. Elle est très délicate et ne peut résister à aucune fatigue un peu grande. Du reste, elle est dans de très bonnes mains. Nous allons ce soir tous ensemble entendre "Roland"3 dans une loge que nous a prêtée Mme Delessert. Hier je suis allé voir Mlle Patti dans "L'Elisire"4. Elle est fort gentille, sa voix est charmante, d'une justesse d'intonation et d'une pureté parfaites, mais ce n'est pas une cantatrice et ce n'est surtout pas une actrice.-- Du reste, elle ne semble pas même y songer. Le public en raffole, et elle a l'air de s amuser comme une reine. En somme, c'est fort agréable a voir. Naudin (Nemorino) n'a pas été mauvais - Dulcamara assez drôle - le sergent abominable. Le malheureux se mourait de peur et tremblait visiblement. Mlle Patti a achevé son rôle par une vraie valse de bastringue de Mr Strakosch, que le public a paru goûter fort peu. Entre les deux actes on avait introduit - à l'italienne - une horreur de ballet, dans lequel des danseuses détestables se sont livrées à des contorsions, qui avaient évidemment pour but d'enflammer les messieurs de l'orchestre et qui n'ont excité que des chut! Quelle idée de ce Mr Napier!

J'ai dîné avant-hier chez Mme Delessert avec Mme de Castiglione, qui est toujours très belle, quoique ayant beaucoup changé. Elle avait une haute coiffure poudrée - avec un faisan entier fiché au sommet. Eh bien! cela lui allait. Mais elle prend de plus en plus la tournure d'une lorette mélancolico-capricieuse. Il paraît qu'elle a eu quelque chose à faire avec... Mr Sabouroff, ex-directeur des théâtres impériaux. Cet être immonde entre, tous n'a pu se faire passer qu'à force d'or. Je suis parti avant elle... cela ne m'intéresse plus.

Quelque chose qui m'a vivement intéressé, frappé, c'est l'exposition des oeuvres de Delacroix au boulevard des Italiens5. J 'en suis sorti chapeau bas devant ce grand peintre ou poète, je ne sais comment dire. C'est certainement le plus grand tempérament de peintre qu'on ait vu dans les temps modernes.--C'est incomplet, incorrect - tout ce que vous voulez; mais quelle vie, quelle ardeur et quelle force d'imagination, quelle entente du mouvement - extérieur et intérieur! Je regrette que vous n'ayez pas vu cette exposition; je crois que vous auriez eu la même impression. Je me rappelle le sentiment fade, froid et littéraire que j'emportais d'une revue désœuvrés de Scheffer6... Quelle différence, bon Dieu! Ici, c'est un torrent de poésie, fangeux quelquefois, mais qui vous {Далее зачеркнуто: emporte} entraîne.

A propos deScheffer, j'irai voir aujourd'hui Mme Marjolin et les Marcel et les Richard... Imaginez-vous que cette pauvre Juliette7 n'a pas même été admise à suivre les cours du Conservatoire, sous prétexte d'âge! La pauvre fille ne fait que pleurer depuis deux jours: c'est un vrai désespoir: que faire à présent?

Je vous écrirai après-demain dimanche et puis encore une fois lundi, la veille de mon départ8. Je m'en vais demain samedi à Bellefontaine.

Mille amitiés à tout le monde, à commencer par Viardot; je vous baise tendrement les mains.

Der Ihrige

J. T.

P. S. Cavaillé Col m'a envoyé le tuyau arrangé avec une lettre d'instructions pour vous9.

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