Полине Виардо - Письма (1866-июнь 1867) - Мемуары и переписка- Тургенев Иван Сергеевич

6, 7 (18, 19) февраля 1867. Баден-Баден

No 6

Bade.

Schillerstrasse, 277.

Lundi, 18 fév 1867.

Bonjour, chère Madame Viardot, vielgeliebte, theuerste Freundinn! Je vais un peu mieux depuis hier - quoique je ne puisse pas encore poser le pied par terre. Je vous donne ces détails, parce que vous le désirez et puis, c'est pour moi d'un très grand intérêt. Je me surprends à faire des rêves, qui ne sont pas trop invraisemblables après tout. Si je pouvais partir d'ici le 281, quand vous serez de retour de Breslau! (Vous y allez le 26, n'est-ce pas?) Voilà ce que c'est: je ne marche pas encore et je pense déjà à voyager. Enfin il n'est pas dit que je sois voué à la goutte à tout jamais!! En attendant, prenons patience.

J'ai reèu une lettre très raisonnable du jeune homme que j'ai envoyé à Spasskoïé et dont je veux faire mon intendant2. Il n'y a pas eu mauvaise foi dans la gestion de mon oncle - c'est évident, mais routine et négligence. Tout peut encore se réparer et mon oncle semble se calmer un peu.

Si cela s'arrange d'un côté, cela cloche de l'autre. Voilà ma fille qui m'écrit qu'elle continue d'être au mieux avec son mari, mais que les affaires semblent se gâter. Je crois comprendre, à travers ses réticences, que la fabrique ne rapporte rien - et que l'argent qu'on y a enfoui pour changer les fourneaux, etc. n'a aucune intention de germer3. C'est un malheur, mais beaucoup moins grand que celui de Louise4 par exemple: - après tout, le revenu de sa dot doit lui suffire pour vivre confortablement. Malheureusement, il paraît qu'on Га un peu entamée.

Louise est un peu moins sombre,; mais du reste... man bleibt doch immer was man ist5. Elle doit s'ennuyer beaucoup ici - elle en a du moins l'air: mais elle savait bien qu'elle venait à Bade en hiver.

Vous ai-je dit que j'ai traité avec l'architecte de Mme Merck, Mr Armbruster, pour le rearrangement de ma maison? Elle me coûtera quelque chose comme 1500 à 2000 florins6. Oh! affreux coquin de Mr Olive! Et dire que je ne puis lui causer aucun désagrément! C'est surtout le travail du plombier qui ne vaut absolument rien et qu'il faut refaire de fond en comble.

Viardot est un peu mieux moralement depuis deux ou trois jours; quant à la santé physique, elle est parfaite et je lui trouve une très bonne mine: il se plaint aussi beaucoup moins après dîner et il dort moins. Moi, j'ai travaille tous ces temps-ci d'une faèon qui m'étonne moi-même; je brûle de vous lire ce que j'ai fait7. Tout mon être aboutit à vous comme un entonnoir. Je crois vous avoir entendu employer cette comparaison; mais je trouve qu'elle s'applique trop parfaitement à moi pour que je ne m'en serve pas. О meine heissgeliebte Freundinn, Ich denke beständig. Tag und Nacht, an Sie - und mit welcher unendlichen Liebe! Jedes mal, wenn Sie an mich denken, können Sie getrost sagen: "Mein Bild steht jetzt vor seinen Augen - und er betet mich an". Das ist buchstäblich wahr.

Mardi matin.

Pourquoi toussez-vous et encore bien fort? Quand j'ai lu cela dans votre chère et charmante lettre, que je viens de recevoir, j'en ai eu un soubresaut. Est-ce de la fatigue - avez-vous pris froid? Peut-être que votre appartement est humide? Au nom du ciel, soignez-vous et que je n'aie pas le tourment de penser que vous êtes peut-être malade ou seulement indisposée - en ce moment. Ah! je ne sais que trop où est mon véritable endroit vulnérable! Tranquillisez-moi, au plus vite, je vous prie.

Et la lettre de Damrosch? N'oubliez pas de me l'envoyer8. Viardot m'a donné à lire les deux articles de Bres-lau. Il est gentil, il me lit toutes vos lettres: je lui en aï lu une, le N 2, et lui lirai celle d'aujourd'hui. Il y avait trop de belles choses à l'adresse de mon talent dans le n° 1 pour que j'aie pu me décider à les lui communiquer. Du reste, cela n'est pas du tout nécessaire.

Mon pied va décidément mieux avec une sage lenteur, il est vrai.-- Le 28... le 289. Je ne cesse d'y penser. J'écrirai à Micawber-Pietsch10. Je ne doute pas que vous n'ayez le doigt sur la plaie; les dettes, voilà sa maladie. Et puis, aussi peut-être le sentiment de son infériorité artistique. Il faudra tâcher de le remonter. Mille amitiés à tous, un bon baiser à Didie, und mich - zu Ihren Füssen, mit den Lippen auf Ihren Fusse. Gott segne Sie.

Der Ihrige

J. T.

Иван Тургенев.ру © 2009, Использование материалов возможно только с установкой ссылки на сайт