Полине Виардо - Письма (1866-июнь 1867) - Мемуары и переписка- Тургенев Иван Сергеевич

10(22) февраля 1867. Баден-Баден

No 7

Bade.

Schillerstrasse, 277.

Vendredi, ce 21 fév {Так в подлиннике.} 1867.

Chère et bonne Madame Viardot - innigst geliebte Freundinn - je crois pouvoir vous annoncer une bonne nouvelle: il y a décidément une amélioration marquée dans l'état de mon pied depuis deux jours - et si rien ne vient déjouer mes calculs et mes espérances, je me mettrai en route dans une semaine d'ici1. J'ose encore à peine croire à la possibilité de ce voyage, au bonheur de vous revoir - bonheur hélas! qui ne durera que très peu de temps... enfin! Le fait est que je vais positivement mieux.

J'ai reèu hier la lettre de Didie - et vous voyez que je lui réponds immédiatement2. Nous avons eu hier une longue conversation avec Louise - la première que nous ayons eue. Elle paraissait bien affligée de la lettre que vous lui aviez écrite - certaines expressions - d'un "voile noir, jeté par elle sur le bonheur de la famille" lui avaient causé beaucoup de chagrin.-- Elle a pleuré {Далее зачеркнуто: puis <затем> (франц.) и вписано: de temps en temps}.-- De temps en temps elle s'écriait: "Je sais bien que je suis tombée ici comme une tuile - mais que dois-je donc faire?". J'ai tâché de la calmer, et de la consoler un peu en lui disant qu'il ne s'agissait pas pour elle de faire quelque chose, de prendre une décision - mais d'avoir plus d'abandon, de douceur - d'épanchement - surtout envers son père; - que si même elle avait l'intention de rompre à tout jamais avec son mari - il ne fallait pas le lui montrer avec tant de raideur - car se serait le pousser aux extrémités - et qu'alors il lui serait à elle {à elle - вписано.} difficile, pour ne pas dire impossible de garder son enfant, sur lequel il a des droits imprescriptibles; que, le cas échéant, il faudrait plutôt un peu de diplomatie, pour éviter une lutte qui rejaillirait en chagrin et en scandale sur toute la maison - que puisqu'elle convenait elle-même que la conduite de son mari {de sou mari - вписано.} depuis le départ était autre qu'elle ne s'était imaginée - il fallait tâcher de le maintenir dans cette bonne voie... et qu'après tout je ne comprenais pas qu'on pût avoir de la susceptibilité envers les gens qui vous aiment et que vous aimez.-- Je ne sais, si mes exhortations ont porté quelque fruit - mais hier soir, elle a été plus caressante que d'habitude avec Viardot - elle ne s'est pas renfermée dans sa chambre - elle a joué une sonate de Clementi (Didone abban-donata) - et fort bien, ma foi! - Si elle pouvait seulement s'assouplir un peu! - Après tout il ne faut pas désespérer et je serais bien heureux, si le peu d'influence que je peux avoir sur elle pouvait y contribuer.

Du reste, tout va ici fort tranquillement. Le temps est charmant depuis trois ou quatre jours; la santé de Viardot est bonne, celle des enfants aussi.-- Marianne est gentille tout plein: c'est une bien bonne et douce nature, avec deux ou trois petits "crotchets" comme disent les Anglais, qui sont bien innocents au fond. - Je lui ai dit que4 si elle faisait des progrès énormes dans le courant de cette années - sur le piano, vous ne pourriez faire autrement que de la prendre avec vous à Berlin pour la confier à quelque grand maître pianiste. A propos de cela on a déjà vu Mr Kalliwoda dans les rues de Carlsruhe - bien maigre, il est vrai, et bien changé. Quant à Lotto - point de nouvelles.

Et la lettre de Mr Damrosch3? Je la demande à grands cris,-- C'est pourtant désagréable que O. Begas ait fait une absence justement au moment où vous allez à Berlin - dites-moi son opinion sur les dessins de Didie4. Et votre buste que l'autre Begas avait l'intention de faire l?

Dieu - quand je pense que je vous reverrai peut-être dans 8 jours... Voyons, voyons, Monsieur, soyez raisonnable.

J'ai entamé ma troisième machine6, mais elle marche moins bien - c'est-à-dire moins vite, Pourtant je travaille.

Et maintenant je vous prie de me donner vos deux belles mains pour que je les embrasse bien, bien tendrement - et je suis à jamais -

der Ihrige J. T.

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