Полине Виардо - Письма (1866-июнь 1867) - Мемуары и переписка- Тургенев Иван Сергеевич

5, 6(17, 18) марта 1867. Петербург

No 5

St-Pétersbourg.

Karavannaïa, 14.

Dimanche, 5/17 mars 67.

Chère et bonne Madame Viardot, meine beste Freundinn, j'ai reèu hier le télégramme de Viardot qui m'annonce votre arrivée à Bade1. C'est un grand point de gagné et "eine grosse Beruhigung" pour moi. Maintenant il faut attendre les événements2. Je ne puis y penser sans anxiété.

Je pars demain pour Moscou - et j'espère y trouvée une lettre de vous ou de Viardot - peut-être des deux. Mon pied est revenu à son état chronique - ni trop bien, ni trop mal - je marche sans bâton à peu près, mais je boite et il me semble qu'il est devenu plus court que l'autre. Espérons qu'il sera remis complètement pour l'époque de la chasse.

J'ai eu un très grand plaisir avant-hier soir: Mme Niessen-Saloman m'a invité de venir assister à une des soirées que le Conservatoire donne une ou deux fois par mois; j'y ai entendu une Mlle Lavrovska chanter avec beaucoup de goût et une belle voix de mezzo-soprano votre "Цветок", "Шепот" et "Сюда" (Заклинание)3.-- Le public - très difficile d'ailleurs - a applaudi à tout rompre - et mes battements de main {Далее зачеркнуто: faisaient <производили> и вписано: se détachaient} se détachaient très bien {Далее зачеркнуто: aussi <тоже> и вписано: sur ce fond bruyant} sur ce fond bruyant. Mme Niessen m'a chargé de mille amitiés pour vous. Le vieux Petroff qui se trouvait à cette soirée m'a parlé de vous avec des larmes dans les yeux et m'a assuré qu'il ne se passait pas de jour qu'il ne pensât à vous. Tout cela m'a naturellement fait beaucoup de plaisir - et ja vous le dis, parce que je suis sûr que cela vous en fera aussi.

N'oubliez pas, je vous en supplie - si vous n'avez pas de trop grandes préoccupations - de me dire deux mots de vos deux soirées - de l'audition de Mr Bote et Bock4,-- si elle a eu lieu etc. Je veux aussi écrire à Pietsch pour lui demander des détails5. Je suis tellement sans nouvelles de vous!

Dimanche soir.

Je suis allé voir ce matin Mme Skobeleff qui parle de vous avec enthousiasme. Olga - sa seconde fille - qui par parenthèse a grandi énormément, a joué du piano d'une faèon charmante avec un sentiment poétique et musical fort rare dans le monde où elle vit. Il faut espérer qu'elle ne fera pas comme sa sœur qui a complètement abandonné la musique6.

J'ai oublié de vous dire que nous avons eu hier soir une séance de quatuors chez Mme Abaza. On a commencé par un trio de Rubinstein7, joué par lui-même et j'avoue que sa manière de vouloir toujours changer son piano en un orchestre finit par me donner sur les nerfs. Puis on a joué un Schumann et deux Beethoven de la dernière époque8 - très bien, ma foi! Botkine a fait ron-ron.-- Mme Rubinstein est venu avec son mari - elle est toujours aussi gentille - mais son nez plus de travers que jamais. Rubinstein quitte décidément le Conservatoire malgré toutes les génuflexions qu'on exécute devant, lui9. J'ai vu à la même soirée Mme de Rahden - qui est toujours aussi aimable et qui, je crois, a beaucoup d'affection pour vous.

Je n'ai pas perdu mon temps ici; j'ai retravaillé plusieurs scènes de mon roman 10; j'ai tout arrangé avec mon nouvel intendant11. Je ne m'arrêterai à Moscou que le temps nécessaire pour voir Katkoff et lui remettre mon manuscrit, qu'on mettra à l'imprimerie aussitôt. Mais je rabâche,-- je crois vous avoir déjà parlé de tout cela.

Lundi soir.

Mon départ a été retardé d'un jour - il y a eu un papier d'affaire à refaire. Je pars demain senza dubbio. Ce soir je suis allé à un grand concert de musique d'avenir - russe - car il y en a aussi12. Mais c'est absolument pitoyable, vide d'idées, d'originalité: ce n'est qu'une mauvaise copie de ce qui se fait en Allemagne13. Avec cela une outrecuidance renforcée de tout le manque de civilisation qui nous distingue.-- Tout le monde est jeté dans le même sac: Rossini, Mozart et jusqu'à Beethoven... Allez donc! - C'est pitoyable.

Je pars demain à 2 1/2; je passerai la matinée à écrire à Viardot, etc.-- Mais cette lettre partira dès demain 8 heures. Je vous écrirai de Moscou immédiatement14. En attendant, je dis mille et mille bonnes choses à tout le monde et vous souhaite tout ce qu'il y a de meilleur sur la terre. Je vous baise tendrement les mains.

Der Ihrige

J. T.

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