Полине Виардо - Письма (Июнь 1867 - июнь 1868) - Мемуары и переписка- Тургенев Иван Сергеевич

14, 15 (26, 27) марта 1868. Баден-Баден

No 4

Hôtel Byron,

jeudi, 26 mars, 11 h. du soir, Theuerste Freundinn, il y a une heure à peu près que je suis revenu du dîner chez Mr N. Tourguéneff1. J'y ai vu le prince Troubetzkoï, qui m'a semblé maigre et changé - il se dit très malade - il m'a donné des nouvelles de Bellefontaine2; Mme de Peyronnet, qui est très engraissée; mon traducteur (traditore), le prince Augustin Golitzin3, qui est bien niniche; Mr Khanykoff, Mr Mohl et un ci-devant prince Gagarine, devenu père Gagarine, en abbé catholique; le comte Mouravieff-Amourski et sa femme. On a été très aimable avec moi, on a parlé des opérettes4 et de "Fumée"5; Mme de Peyronnet m'a fait des reproches a?sez langoureux - mais je suis resté d'une politesse glaciale: si cette brave dame croit que je lui ai pardonné,.. L'éternité n'est pas encore passée et il en faudrait quatre!! Et encore6! On m'a mis à table à côté du père Gagarine, qui jouit ici de la réputation d'un homme d'esprit; j'ai trouvé un assez plat bavard à la faèon de Moscou - avec une pointe de jésuite peu agréable et un geste de prêtre attendri qui consiste à se frapper alternativement les deux... parties de la poitrine avec les mains posées à plat. Il buvait et mangeait ferme, et sa soutane (car il porte soutane) répandait une odeur aigre et grasse. Le p-ce Troubetzkoï le regardait avec vénération. Moi, je pensais à Bade.

J'ai reèu une immense lettre du docteur Frisson sur "Fumée"; il en est très content et me le dit en phrases qui rappellent comme d'habitude la tournure un peu emphatique de 93 et 94 - mais dont le sens est élevé et viril, Je vous montrerai cette lettre: je lui répondrai dès aujourd'hui7, d'autant plus qu'il s'étonne beaucoup dans un post-scriptum de n'avoir pas reèu de nouvelles de Viardot.

Il est probable que je ne verrai ni Mlle Schroder, ni Theresa8, ni Flaubert; je devais dîner aujourd'hui avec lui chez Ducamp - mais j'ai dû refuser l'invitation. Peutêtre le verrai-je demain matin. Mlle Schroder chante à peu près cinq fois par semaine, mais elle est tout à fait au troisième rang.

Vendredi, 4 heures.

Je viens d'avoir une longue conversation avec Mr Gérard - la tortue paresseuse - qui m'a dit du reste qu'il vous avait écrit la veille: vous savez donc à quoi vous en tenir. Le résultat de tout ceci est qu'il croit vous avoir rendu des services énormes, qu'on ne peut pas le changer, ni même lui faire comprendre pourquoi vous n'êtes guère contente de lui, et qu'un beau jour il faudra se jeter dans les bras de Flaxland, qui ne demande pas mieux. Quelle nécessité avez-vous de vous inféoder à ce vieux pingouin? Ah! si j'avais quelque chose à montrer à Flachsland!! Voyons, vous recevrez cette lettre demain samedi à 10 1/2 h; si vous m'envoyez quelque chose, le nocturne, p e, dimanche, pour que je le reèoive lundi matin? Je ne ferai que le montrer à Flachsland, parole d'honneur! Je vous assure que c'est là une idée excellente!! Faites cela, пожалуйста.

Vous me dites dans votre lettre d'aujourd'hui que vous avez achevé le chœur des fileuses9. Bravo!! Vous allez voir que nous ferons une opérette digne des deux premières10! Je vais demain à Rougemont11 pour revenir lundi à 11 h. du matin à Paris.

A propos d'achats à Rastatt, je viens de lire dans les journaux que Ms Christophe et C-ie ont une fabrique à Carlsruhe. C'est bon à savoir.

J'au vu aujourd'hui le vieux c-te Kisselef, qui tombe en ruines - et qui lit "Fumée" avec plaisir12! Je dîne chez Pomey et je vais peut-être ce soir à "Rigoletto" pour Mlle Schroder13. A demain les détails.

A mercredi! En attendant, je vous embrasse tous, à commencer par Viardot - und ich küsse Ihre Hände. Der Ihrige.

J. T.

P. S. La photographie d'aujourd'hui est destinée à Viardot. C'est celle de Duruy, le ministre de l'Instruction publique, l'ennemi des cléricaux.

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