Полине Брюэр - Письма (Июнь 1867 - июнь 1868) - Мемуары и переписка- Тургенев Иван Сергеевич

27 марта (8 апреля) 1868. Баден-Баден

Bade.

Schillerstrasse, 7.

Ce 8 avril 1868.

Chère Paulinette, Il y a juste une semaine que je suis arrivé ici - j'ai trouvé mon monde en bonne santé - et je suis maintenant plongé jusqu'au cou dans les tracas de mon émigration qui doit se faire avant le 15. J'ai reèu ta lettre avec tes photographies - et je suis heureux d'apprendre que tu vas bien1. Je continue à te recommander la plus grande prudence et fort peu de mouvements.

J'ai remis à Mme Delessert le petit feuillet de Gaston; elle l'a pris en considération; mais elle a dû s'arrêter dans ce qu'elle voulait faire pour lui, du moment que vous vous êtes décidés - et fort raisonnablement, je crois - à tenter la fortune encore cette année2.

Et maintenant permets-moi de te soumettre quelques réflexions qui me sont dictées par l'affection que je te porte et que j'ai puisées en partie dans une longue conversation que j'ai eue avec tes beaux-parents - et en partie dans mes propres observations.

Il est indubitable que le mauvais succès de la fabrique dans les deux premières années de ton mariage - vient de vous deux, de toi surtout. Ces voyages inutiles, cette crainte perpétuelle d'être seule dans laquelle tu vis - et qui fait que tu retiens constamment ton mari à tes côtés - l'abandon de beaucoup de clients qui en a été la conséquence - voilà où a été le mal. Tes préoccupations de portes fermées, de verrous - m'ont fait un peu sourire - comme une manie; mais c'est pis qu'une manie ou un ridicule - c'est un symptôme fâcheux d'une disposition d'esprit, dont il faut se défaire absolument. Je ne doute pas que les soins sérieux et sains de la maternité ne chassent toutes ces puérilités qui sont beaucoup plus graves qu'on ne le croit. Le manque d'occupations te fait sentir le vide de ta vie; ce vide - tu désires le remplir par la présence de ton mari - tu paralyses son activité; puis tu te laisses aller à des terreurs, dignes d'une vieille demoiselle. Tout cela n'est pas bon et n'a pas raison d'être. J'ai remarqué aussi que tu es bien exigeante et tracassière pour tes domestiques - ce qui ne manque jamais d'arriver quand il y a absence d'occupations.

Tu m'excuseras de te dire aussi crûment les vérités - mais tu ne peux douter du sentiment qui me fait agir ainsi.

Mr Aignan doit venir à Bade vers le 15 avril - et il retourne à Paris cinq ou six jours après; je le prierai d'emporter le nouveau poids du coucou que j'ai échangé chez Stuffer; s'il était un peu trop lourd et faisait aller lea aiguilles trop vite - il n'y aurait qu'à changer un peu de place le balancier du pendule.

Je te prie de faire mes meilleurs compliments à Me Bruère et je t'embrasse cordialement. Porte-tei bien - c'est l'essentiel.

J. Tourguéneff.

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