Полине Виардо - Письма (Июнь 1867 - июнь 1868) - Мемуары и переписка- Тургенев Иван Сергеевич

3 (15) июня 1868. Берлин

No 1

Berlin,

hôtel de St. Pétersbourg.

Lundi, 15 juin 1868.

9 heures du matin.

Me voilà donc à Berlin, dans cet hôtel, et je vous écris ma première lettre! Le voyage s'est accompli sans le moindre accroc et nous sommes arrivés, comme le "Hendschell Telegraph"1 nous l'avait annoncé, à 7 3/4, à la minute! J'ai trouvé le bon Pietsch à la gare - nous nous sommes embrassés et j'ai dû commencer mes récits de Bade dans le fiacre... J'ai mal dormi, pour bien dire, je n'ai pas dormi du tout et je me sens très fatigué. J'ai essayé de faire les traductions russes des romances, j'ai rêvé à des librettos2-- impossible! Jusqu'à Francfort j'ai eu dans le même wagon que moi un monsieur russe de Pétersbourg que je connais et après Francfort la muse n'a pas voulu souffler... Elle soufflera. Le dîner à Francfort a été horrible - j'ai pensé à vous tout le temps - mais encore plus spécialement vers 5 heures, comme je l'avais promis - j'ai soupe à Güntershausen... Tous les hôtels sont pleins à Berlin et on m'a donné une chambre assez sale. Quand j'en ai dit deux mots au Kellner en lui montrant des taches sur la muraille, il m'a dit: "Oh! das ist nichts! Da sind wahrscheinlich schmutzige oder schweissige Hände gewesen..." J'ai trouvé la consolation "peu suffisante", comme dit Naïna3.

Je n'ai pas besoin de vous dire combien j'ai pensé, combien je pense à Bade. Je ne serais heureux que quand le le reverrai, èa c'est bien sûr.

Midi. Je viens de déjeuner avec Pietsch et il va m'entraîner dans un tourbillon de visites, etc. Je crains de n'avoir plus un moment à moi et je vous envoie cette lettre dès à présent. Mentzel est malheureusement à Paris. Lessing est déjà venu me voir et m'a chargé de vous dire mille choses aimables. Pietsch est plus que jamais der Mann des Superlatives. J'ai trouvé une lettre d'Auerbach qui me donne rendez-vous à 2 1/2 h.4 Je sens moins de fatigue, mais mes essais de sommeil ont été infructueux. Je vous envoie une photographie très caractéristique de Bismarck et une découpure de journal où l'on parle d'un ventilateur de cheminée contre le soleil et le vent. Que Viardot en parle à Armbruster5 avant qu'on perfore ma salle à manger (NB. Le plaid ne coûte que 18 florins; j'ai retrouvé la facture - ne payez pas davantage).

Je vous écrirai encore ce soir à tête reposée?. Ceci n'est qu'un signe de vie que je donne. Oh! mes chers amis, combien je vous aime! Je vous embrasse tous, à commencer par Viardct... Meine theuere Freundinn, Ich küsse Ihre liebe Hand mit vieler Inbrunst - und auch die der lieben Didie, die Ich sehr liebe, weil Sie der Ihrigen ähnlich ist. Que Dieu vous protège!

Der Ihrige

J. Tourg.

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